APPEL DE LA PREMIÈRE « ASSEMBLÉE DES ASSEMBLÉES » DES GILETS JAUNES
Nous, Gilets Jaunes des ronds-points, des parkings, des places, des assemblées, des manifs, nous sommes réunis ces 26 et 27 janvier 2019 en « Assemblée des assemblées », réunissant une centaine de délégations, répondant à l’appel des Gilets Jaunes de Commercy (https://www.youtube.com/watch?v=GB1-Sg4jt7Y&t=14s).
Depuis le 17 novembre, du plus petit village, du monde rural à la plus grande ville, nous nous sommes soulevés contre cette société profondément violente, injuste et insupportable. Nous ne nous laisserons plus faire ! Nous nous révoltons contre la vie chère, la précarité et la misère. Nous voulons, pour nos proches, nos familles et nos enfants, vivre dans la dignité. 26 milliardaires possèdent autant que la moitié de l’humanité, c’est inacceptable. Partageons la richesse et pas la misère ! Finissons-en avec les inégalités sociales ! Nous exigeons l’augmentation immédiate des salaires, des minimas sociaux, des allocations et des pensions, le droit inconditionnel au logement et à la santé, à l’éducation, des services publics gratuits et pour tous.
C’est pour tous ces droits que nous occupons quotidiennement des ronds-points, que nous organisons des actions, des manifestations et que nous débattons partout. Avec nos gilets jaunes, nous reprenons la parole, nous qui ne l’avons jamais.
Et quelle est la réponse du gouvernement ? La répression, le mépris, le dénigrement. Des morts et des milliers de blessés, l’utilisation massive d’armes par tirs tendus qui mutilent, éborgnent, blessent et traumatisent. Plus de 1000 personnes ont été arbitrairement condamnées et emprisonnées. Et maintenant la nouvelle loi dite « anti-casseur » vise tout simplement à nous empêcher de manifester. Nous condamnons toutes les violences contre les manifestants qu’elles viennent des forces de l’ordre ou des groupuscules violents. Rien de tout cela ne nous arrêtera ! Manifester est un droit fondamental. Fin de l’impunité pour les forces de l’ordre ! Amnistie pour toutes les victimes de la répression !
Et quelle entourloupe que ce grand débat national qui est en fait une campagne de communication du gouvernement, qui instrumentalise nos volontés de débattre et décider ! La vraie démocratie, nous la pratiquons dans nos assemblées, sur nos ronds-points, elle n’est ni sur les plateaux télé ni dans les pseudos tables rondes organisées par Macron.
Après nous avoir insultés et traités de moins que rien, voilà maintenant qu’il nous présente comme une foule haineuse fascisante et xénophobe. Mais nous, nous sommes tout le contraire : ni raciste, ni sexiste, ni homophobe, nous sommes fiers d’être ensemble avec nos différences pour construire une société solidaire.
Nous sommes forts de la diversité de nos discussions, en ce moment même des centaines d’assemblées élaborent et proposent leurs propres revendications. Elles touchent à la démocratie réelle, à la justice sociale et fiscale, aux conditions de travail, à la justice écologique et climatique, à la fin des discriminations. Parmi les revendications et propositions stratégiques les plus débattues, nous trouvons : l’éradication de la misère sous toutes ses formes, la transformation des institutions (RIC, constituante, fin des privilèges des élus...), la transition écologique (précarité énergétique, pollutions industrielles...), l’égalité et la prise en compte de toutes et tous quelle que soit sa nationalité (personnes en situation de handicap, égalité hommes-femmes, fin de l’abandon des quartiers populaires, du monde rural et des outres-mers...).
Nous, Gilets Jaunes, invitons chacun avec ses moyens, à sa mesure, à nous rejoindre. Nous appelons à poursuivre les actes (acte 12 contre les violences policières devant les commissariats, actes 13, 14...), à continuer les occupations des ronds-points et le blocage de l’économie, à construire une grève massive et reconductible à partir du 5 février. Nous appelons à former des comités sur les lieux de travail, d’études et partout ailleurs pour que cette grève puisse être construite à la base par les grévistes eux-mêmes. Prenons nos affaires en main ! Ne restez pas seuls, rejoignez-nous !
Organisons-nous de façon démocratique, autonome et indépendante ! Cette assemblée des assemblées est une étape importante qui nous permet de discuter de nos revendications et de nos moyens d’actions. Fédérons-nous pour transformer la société !
Nous proposons à l’ensemble des Gilets Jaunes de faire circuler cet appel. Si, en tant que groupe gilets jaunes, il vous convient, envoyez votre signature à Commercy ( assembleedesassemblees@gmail.com). N’hésitez pas à discuter et formuler des propositions pour les prochaines « Assemblées des assemblées », que nous préparons d’ores et déjà.
Macron Démission ! Vive le pouvoir au peuple, pour le peuple et par le peuple.
Appel proposé par l’Assemblée des Assemblées de Commercy.
Il sera ensuite proposé pour adoption dans chacune des assemblées locales.
Texte de Jean Picard sur la lutte des gilets jaunes, suivi de quelques textes qui éclairent ce type de processus et notre propre analyse des luttes sociales.
Gilets jaunes: pas de RIC du FRIC...
Ce type de mouvement est une constante de l'histoire sociale. Quant la domination de classe aboutie au point extrême de l' oppression économique la lutte des classes devient affrontement. Les G-J ( gilets jaunes) sont l' expression de la paupérisation et la résistance à celle-ci. Cette lutte, vu le recul idéologique du socialisme (au sens originel) et la montée du national populisme , incorpore des éléments idéologiques et sociaux professionnels disparates/ contradictoires. Au début limité au prix du carburant ce conflit avait nécessairement une Base large allant des revenus faibles qui auraient plus besoin d 'une redistribution y compris par la fiscalité; aux revenus élevés qui pour maintenir leur surconsommation délirante et indécente ne veulent payer l' impôt qui favoriserait selon eux l’assistanat. Ces intérêts divergents constituaient une configuration inter-classiste. Mais comme toujours un tel magma conflictuel ne peut contenir ses contradictions, sont apparues des revendications en défense des faibles revenus. Cet aspect de lutte des classes plus ou moins conscient marque le rapport des formes organisées (idéologique, partidaire, syndicale) à cette lutte .
L'ext-droite très présente est pour l'instant satisfaite. Son but maintenir la forme inter-classiste , limiter la revendication au trop de fiscalité ce qui satisfait sa base électorale bourgeoise et sa base capitaliste protectionniste( poujadisme). Pour autant et démagogiquement elle peut soutenir les revendications des bas revenus. Tout cela permet l' attaque contre Macron sans en payer le prix et les effets pervers dans le système capitaliste: montée des prix, inflation, perte de part de marché par effet de la concurrence, déficit budgétaire par perte de recette, baisse de la redistribution par déséquilibre des caisses sociales etc. De plus les référents, citoyen, marseillaise , nation, drapeau tricolore, la fiction nationale, la critique de l' Europe, donnent espoir à l' ext-d pour élargir sa base électorale. Avec le R-I-C elle tente de capitaliser en terme politique . Le ric est un piège car il écarte une revendication sociale économique pour une logique politicienne. Le ric n'est pas anti-système , en effet il s'articule avec la forme parlementariste et l’État, une société de classe, les idéologies inégalitaires. La question à se poser, qui mettra en œuvre ce ric car il faut des moyens, des groupes, des lobbys , des relais institutionnels, ce pouvoir faire ne peut être que par des entités puissantes (partis, syndicats,groupes politiques etc). Le recul de l' idée socialiste et la montée des idéologies adverses ne peuvent qu'abonder dans le sens sociétal réactionnaire. La société de classe par sa logique d’égoïsme écrasera les besoins des plus pauvres, en effet par exemple, en terme de revenu le seuil de pauvreté touche 14% de la population les autres 86% soutiendront-ils une redistribution qui affectera leur propre pouvoir d'achat? Le ric contre les travailleurs en effet demain quand une lutte gênera le consommateur ou l'usager , le ric sera utilisé contre les grévistes et autres travailleurs (dit privilégiés qui prennent en otage les autres salariés). Le ric soumettra le droit à la seule démocratie d'opinion; opinions que certains sauront mettre en émoi pour justifier les pires ignominies. Le ric introduira le droit non sous l' angle du principe irréfragable mais bien sous le joug de l'opinion majoritaire. Le droit de manifester, de grève, de publication bien qu 'ayant subi des restrictions ne sont pas soumis au vote majoritaire mais à ceux voulant en faire usage fussent-ils minoritaires. Si le ric existait nul doute que certains l' utiliseraient contre << les nocifs>> gilets jaunes. Pour défendre des revendications nous n'avons pas besoin du ric.
Les républicains sont pris dans le dénoncement de l' écrasement fiscal, ce qui fait qu'une partie de leur électeur soutient ou participe aux manifs et blocages. Ayant arbitrairement et démagogiquement fixé la classe moyenne à 1500 euro mensuel, son prétendu défenseur Wauquiez se trouve bien coincé. Il soutint puis porta le gilet jaune ce que maintenant il dénie. Il se trouve bien silencieux depuis que la taxe essence est suspendue et que certains de ses électeurs ont quitté la lutte.
LRM, quelques ex-socialistes et modem d 'accord sur le fond mais demandant d'alléger la peine des plus pauvres, tout le reste bien que d'accord avec Macron se défile en pensant aux prochaines élections.
Le PS toujours cadavre à la renverse , l'oligophrénie, le blanc absolu voir l'encéphalogramme plat.
LFI, à force de contradictions elles finissent par vous péter au nez. D' exaltations patriotardes en marseillaise et drapeaux tricolores, de refus et interdiction de l' internationale, de discours citoyens, de républicanisme, de parlementarisme. On navigue de Robespierre à Danton avec un doigt d'enragés et on fini avec Tocqueville, exit Lénine. Bref quelques têtes et militants soutiennent les G-J, la majorité des militants et électeurs est absente. Elle pense que ces gilets jaunes sont des proto- fascistes. Ne sont ils pas largement abstentionnistes et rejettent partis, syndicats et corps intermédiaires. La petite et moyenne bourgeoisie de l' électorat LFI, bien que favorable au pouvoir d'achat des plus pauvres, n' est pas confrontée à ces fins mois difficiles et ce
n' est pas directement son problème. La question référendaire la mobilise davantage, je lui laisse la perversité du RIC.
L'ext-gauche semble complètement hors-jeu, peu de militants sont présents. Il est vrai que ce mouvement vient contredire sa théorie. Rejet: des syndicats, de la droite et de la gauche, de porte parole, de la négociation. Le mode opératoire: autonomie , auto-organisation, action directe, s'oppose à la direction de l’avant-garde. Présence de l' ext-droite contredisant l' essence rouge du prolétariat ou du petit peuple, problématique inter-classiste etc... Une vision passéiste des luttes sociales sous la dominance d' une classe ouvrière marquée à gauche. Le tout sous un paradigme marxiste dépassé et frisant la sclérose. La classe ouvrière d’antan marquée par l' idéologie socialiste lutte de classe, son hégémonisme dans le prolétariat et son unité de condition, n' existe plus. La classe ouvrière c' est 14% de la population, le salariat n'a plus d'unité de revenu en effet même un PDG peut être salarié ce qui fait que les écarts de revenus salariaux sont très étendus, tout comme les fonctions salariales qui incluent celle disciplinaire de la chaîne du commandement de la production de marchandise. L' ext-gauche méfiante du lumpen prolétariat a toujours recherché et mythifié le rôle de de la prétendue aristocratie ouvrière, celle hautement qualifiée comme avant-garde révolutionnaire. Cette aristocratie est souvent de nos jours celle de la collaboration.
Le néo-gauchiste peu présent se trouve plus ou moins dans la situation de l' ext-gauche. Surtout comme vérifié lors de la lutte contre la loi travail,afin d'augmenter son audience il a décidé de câliner les syndicats d'en l'espoir de conquérir leurs adhérents.
Les anarchistes sont aussi divisés une majorité ne veut pas se mêler à cette lutte et se méfie du fumet poujadiste, national populiste et autres nauséabondes idées.
Les syndicats, c' est la panique car il savent que si un mouvement autonome gagne des choses, c'est la nécessité des actuelles confédérations syndicales qui est posée. Bien que certains adhérents à titre personnel soient présents , la grande majorité est absente. Aux vues des déclarations des centrales les choses ne vont pas aller dans le sens d 'un soutien, surtout après l'échec de rallier des G-j à certaines manifs syndicales. Les syndicats paient leur vision travailliste du syndicalisme, c'est à dire purement sur les lieux de travail avec des revendications catégorielles. Uniquement salarial ce syndicalisme intoxiqué par une certain marxisme accepte la séparation idéologique-économique-politique, il limite donc son activité aux seules revendications économiques immédiates de types salariales. Devenus des partenaires sociaux et donc bien intégrés institutionnellement , ils collaborent au système, la lutte des G-J en partie exprime justement le rôle des institutions dans la constitution d 'un prolétariat en exclusion. D' ou la critique des institutions incluant les syndicats et les privilèges des bureaucraties syndicales ( profiteurs). Quelques Sud sont présents. A Caen un leader de Sud est présent dans les manifs , satisfait et confiant dans ce mouvement; il tente de persuader d' autres SUD de participer mais pour l' instant sans grand succès.
La situation diffère selon les endroits : à Caen tel était le contexte.Les choses bougent et personne ne sait l 'avenir. La suspension de la taxe sur l'essence fait que la fraction seulement intéressée par cela a quittée la lutte. Reste majoritairement des petits revenus.
A Caen nous sommes quelques uns à participer à cette lutte en analysant le jeu complexité- contradictions-difficultés. Première prise de parole publique d' un compagnon après plusieurs tentatives d 'empêchement par un s-o soutenant de prétendus porte paroles élus sur Facebook :
<< Je suis là pour les petits revenus, chômeurs ,retraités, travailleurs, le reste je n’en fout. Macron veut nous diviser sur les casseurs pour nous faire oublier que c' est Macron qui casse des millions de gens dans ce pays,marre de tous ces gens qui disent parler en notre non. La légitimité du mouvement est par ceux qui font les actions de blocage. Certains disent que nous n'avons pas de revendications il est temps de les voter>>. Cette prise de parole fut applaudie. Dans la foulée un individu connu dans les luttes a proposer une liste de revendications allant dans l' intérêt des petits revenus, elle fut votée. A noter que selon la presse la soi-disante porte parole aurait été exfiltrée après avoir dissous l 'assemblée générale. A noter la prise de parole d'un homme critiquant les portes paroles non-élus, cet homme appelant à maintenir l'A-G. Il fut reçu le lendemain par le Maire qui selon lui ignorait l’appartenance à l' ext-droite de cet homme venu avec une liste de signatures certifiant son mandatement par l 'assemblée générale. Suite à tout cela les divers porte-paroles sont grillés, malgré un soutien médiatique à la première prétendue porte-parole. En réunion avec quelques anars nous pensions nécessaire d'instituer les A-G pour couper les manipulations, tentatives de contrôle par faux mandatés, faire émerger la tendance pas friquée comme centralité de la lutte. Un première tentative d'A-G sans succès, peu de gilets jaunes, interventions gauchistes de certains, incompréhension généralisée et surtout transformation de la dite A-G en réunion propre d' ICL. La manif suivante malgré le froid environ 600 personnes. Les rics avec banderole prennent le tête et nous baladent en ville avec rassemblement devant la mairie. Ils hurlent un ric sinon rien, mais la foule est divisée, voire distante, certains censurés par les rics tentent d'appeler à un blocage de centre commercial. Le même compagnon réclame la parole, les rics refusent et couvre sa voie. Des laissez le parler fusent. Prise de parole du compagnon : << le pouvoir en a rien à foutre que l' on gueule dehors lui il est bien au chaud , les ballades dans Caen ne lui font aucun effet , certains proposent une occupation, que faisons nous ?>>. Plusieurs interventions appellent à bloquer un centre commercial. La moitié va tenter de bloquer, le reste de manif se disperse laissant déconfit le petit groupe de ric qui continue pourtant sa pub. Nouvelle A-G au squat, je participe pas, pensant que les avatars de la précédente A-G vont resurgirent : erreur 3-400 personnes décident: fonctionnent en A-G, mise en place de commission, fixer nouvelle A-G le 15 janvier, reprise du symbolique rond-point porte d'Espagne, un groupe ext-d mis en minorité quitte l'A-G, une intervention pro Ric échoue à convaincre. Manif du 22-12 environ 2500 personnes. Un groupe ric prend la tête de manif pour faire sa pub. Ce même compagnon se poste au niveau des rics et commence à critiquer ce ric. Certains rics confiants en leurs arguments s'essayent à l'impromptu . Les rics désarçonnés et en peine discursive lui adressent insultes et menaces, mais finissent par scander gilets jaunes en place du ric. Devant la préfecture la manif se disperse. Certains sans succès essaient de rameuter pour appuyer une délégation pour porter les revendications au préfet qui paraît-il n' en sait rien , rions! Quelques centaines de G-J partent pour la porte d'Espagne pour renforcer le piquet. Environ 600 personnes sont là malgré le turnover. Un groupe de policier se positionne pour intervenir. Appels pour se mettre à dos le vent de façon que les gaz aillent sur la police, blocage des véhicules comme force de tampon. Un groupe 2-300 individus ( hommes, femmes, jeunes, adultes incluant des retraités) décide de marcher sur la police la tension est vive , la police se retire. Mais craignant une intervention de la police certains commencent un barrage filtrant. Quelques individus apparaissent soudainement et opposés au barrage filtrant commencent à faire la police. Ces individus sont en fait un groupe de 20-30 dont certains sont masqués, nous comprendrons plus tard qu'ils sont ext-D et du ric. Des divergences éclatent sur la conduite à tenir. Un camarade retraité (ouvrier révolutionnaire de longue date) est ciblé et menacé par un individu de ce groupe, individu qui auparavant a volé au camarade sa clef USB diffusant des chants révolutionnaires. Cet individu fonce sur notre camarade mais ce dernier ne se laisse pas intimider et repousse vivement son agresseur qui s'éclipse. Notre compagnon preneur de parole intervient pour défendre le camarade. Aussitôt encerclé par ce groupe il subit insultes et menaces<< connard cela fait trois semaines que tu nous fais chier, fais gaffe>>. Un attroupement ce fait, on entend << c' est les connards d' ext-droite, ils n’ont pas à décider, c'est aux gens de décider la conduite du piquet>>. Ce groupe d' ext-d change de ton et se pose en victime et rassembleur, lui est répondu vous n'avez pas la propriété des G-J.
Ce groupe se met en retrait, la situation se calme . Dans la soirée des affrontement sur place avec la police qui évacue le lieu. Il semble que l'ext-droite devienne tendue, sentant sa tentative d'emprise sur le mouvement pas évidente, voire périlleuse. Samedi 29 décembre 2018 manif de 600 à 1000 personnes, le ric prend la tête de manif , mais les porteurs de la banderole ont changé , ceux de ce jour incluant un discret S-O sont plutôt des gros bras. Le ric fait signer une pétition en faveur du ric et par ce fait augmente sa propagande sur les G-J. Beaucoup de personnes ne semblent pas saisir l'emprise de L'ext-d. Suite à cette manif plusieurs blocages sont tentés mais l' intervention de la police est rapide malgré des heurts , en centre ville jusqu'à 3 heures du matin des groupes de G-J tentent des actions dont une tentative d' incendie contre la préfecture.
Qui sait l'avenir de cette lutte et de sa forme? Que ce mouvement s'épuise est possible. Dans ce cas les plus exploités ou démunis resurgiront comme mouvement . Le pouvoir, les privilégiés savent ce que veut dire « signes avant coureurs ». La gymnastique révolutionnaire, la culture de lutte s’acquièrent par l' action. La lutte a une base économique mais aussi socialisante par les liens créés par le collectif de la lutte. Si les signifiants du corpus de la lutte des classes ne sont pas explicites, le mouvement peut être défait, s’ensuivra un désespoir mortifère, une récupération réactionnaire que le ric saura utiliser, une réactivation des corps intermédiaires dans leur logique d’intégration et de collaboration, une nouvelle offensive de la bourgeoisie capitaliste libérale ou protectionniste pour paupériser davantage une fraction de la population.Les G-J du moins une bonne partie rejette les partis, les syndicats. Ils font la critique du parlementarisme qui ne défend pas leurs intérêts mais octroi des privilèges aux élus. Contrairement aux dires de certains, ce n'est pas le syndicalisme qui est rejeté mais la forme actuelle des organisations syndicales (bureaucratie, privilèges, collaboration,corporatisme). On leurs fait reproche d'avoir sacrifié une partie des travailleurs classiques pour en faire des précaires, chômeurs, petits retraités pour soi disant sauver l'emploi, en fait c'est sauver le capitalisme qui les motivent. Des G-J avancent des revendications immédiates coupler à des actions directes voire radicales articulées à une critique (large ou partielle) du système politique, avec un rejet des institutions, une idée de plus de justice dans un arrière plan plus égalitaire refusant porte-parole, représentants, négociations, Des G-J renouent avec la forme radicale du mouvement ouvrier. En tant qu'anarco-communiste, je ne sais si le communiste libertaire sera. Longtemps j' ai défendu l’anarcho-syndicalisme comme moyen révolutionnaire puis depuis quelques temps j' ai décroché pensant ce moyen peu opportun et revoilà une lutte dont une fraction s 'empare de bribes d 'anarcho-syndicalisme. Ce qui a fait dire à certains que ce mouvement avait des ingrédients anarchistes. Ces inclusions d'anarchisme perturbent la gauche et son extrême, mal à l'aise entre cela et le fumet national protectionniste. Il est évident que l’ext-d, ric en tête ferait bien de ce mouvement sa marche sur Rome. Si nous voulons que ce mouvement ne soit pas le triomphe de la réaction et à contrario la reprise claire d'une conflictualité de classe, Il est temps que les anticapitalistes, les antifas, les vrais démocrates , les intellectuels progressistes appuient la lutte ou ses futures équivalences. Les anarchistes dont ce mouvement empreinte des éléments, doivent se manifester tout particulièrement. Nous devons dès maintenant: renforcer et instituer la forme assemblée générale, la centralité et l' expression des plus exclus ( comme forme prolétariat moderne), extension de la lutte (salariat, étudiants, lycéens, chômeurs , retraites), poser les revendications unifiantes de cette extension, aiguiser, approfondir et massifier les critiques du système. Nous devons agir pour une résistance populaire autonome et dans celle-ci y développer une fraction révolutionnaire. On tente d' imposer marseillaise et drapeaux et propos nationalistes qui seraient neutres ce qui est faux mais habile. Dès à présent nous devons sortir nos symboles et exprimer notre point de vue, façon de faire comprendre notre présence, que les G-J sont pluriels et que personne ne peut parler en leur nom. L histoire se fait avec des symboles certains le savent et infusent celui de la récupération politicienne ( porte-parole et liste électorale).
Sur les violences, il est utile de rappeler que toute société inégalitaire par le jeu de la lutte des classes est violente; que c' est bien la bourgeoisie qui fait violence au prolétaire ( exploitation, licenciement, suicide, dépression, répression, guerre etc). Que ceux qui dénoncent les casseurs sont bien silencieux fasse à la violence de l’État et de la bourgeoisie, ils sont complices de la violence que nous fait subir le capitalisme. Pour nous la violence de l 'opprimé est légitime , la violence du pouvoir est illégitime. La légalité du droit découle du cadre idéologique, ce que nous pensons illégal est de spolier le travailleur, de priver certains des besoins fondamentaux ( nourriture, habitation, santé etc), d'opprimer ( pour des raisons économiques, de sexe, de race), de décorer ( l' arrivisme , le lucre, la fraude fiscale, la spéculation financière) et bien d'autres choses. En fait les vrais pacifistes sont peu nombreux , soutien ou critique de la violence ne sont par principe, mais en fonction tactique pour cette violence politique et de ses divers intérêts. La violence faite aux biens dans le cadre de luttes salariales ou faibles revenus, voire d 'oppression de certaines catégories sociales est délicate. En effet casser une banque , les locaux de certains acteurs économiques ou groupes d'oppression, si selon moi ses symboles seront vite indemnisés , certains jugent utiles leurs bris, ils est donc inutile et hasardeux de s'exprimer à ce sujet. De la violence faite aux personnes si un politicien zélé profiteur, un spéculateur, un évadé fiscal se fait malmener ce n'est que justice; il est temps que bien au chaud et sans aucun risque les profiteurs sentent la colère se faire vindicte. La nécessité des exploités, l' oblige à des actions: de blocages, d'occupations, de grèves, sabotages ces radicalités sont la conséquence que l'exploité n'a pas l'argent pour tenir un long conflit, le pouvoir le sait et va faire durer le conflit pour l'épuiser d 'ou le recours aux formes radicales. Le pouvoir si pacifique et protecteur selon ses dires fera vite appel à ses moyens répressifs, ceux de l ' Etat ( justice et police), ses chiens de garde (média, élus, idéologues du système) . A ce stade chacun dira son idée: du légal, de justice, de violence. Pour moi, le légitime, le légal sera toujours celui qui lutte contre la misère et l' exploitation. En conséquence face aux matraques le droit de s' insoumettre. Si le matraqueur se plaint de résistance ( est quand même bien payé pour nous taper) , il fallait être pompier, fraiseur, infirmier ou autre. Le pillage, quant ce sont ceux privés de l'essentiel qui pillent les besoins vitaux ,on ne peut que condamner que ceux qui les privent des ses besoins et les poussent au pillage,surtout que pour une fois un principe du droit bourgeois insiste sur la nécessité impérieuse de le faire. Reste un pillage que je conteste celui des petits profiteurs de toutes les causes. Le pillage non pour des besoins vitaux , mais pour des produits de luxe est contestable. En effet ses adeptes ne sont pas sur une logique de ré-appropriation ni de don. Leur logique est de s’accoutrer de tenue bourgeoise, de la fausse distinction de la marque, de paraître possesseur des biens leur donnant l'illusion d'appartenir à l'élite . Pire encore l'aliéné ne se contente de paraître semblable à son asservisseur , il utilise le vol comme capital marchand , il vend le vol , l'aspiration capitaliste existe hélas quelquefois parmi le dépourvu de capital, toutes choses qu'un anti capitaliste se doit de combattre.
Il semble que des A-G existent ou sont tentées dans plusieurs villes. Suivant les influences idéologiques certains penchent vers la droite ou la gauche, d'autres se veulent autonomes. Il est fort à craindre que si le mouvement dure, les formes classiques vont noyauter le mouvement pour l' inféoder ou le soumettre aux formes partidaires ou syndicales. Constituer les G-J en parti ne semble pas plaire au R-N ni LFI qui pourraient y perdre des électeurs , Marcron souhaite un renforcement du R-N qui seul permettra sa réélection. Les divisions droite gauche des G-J font éclater son unité et son possible capital électoral , une partie se voit en Podemos, ou 5 étoiles, voire néo-fasciste. La partie abstentionniste des G-J ne croit qu' en sa lutte actuelle , cette tendance est majoritairement celle qui fait les piquets. Raisons qui démontrent que les revendications unifient , mais que les tactiques politiciennes divisent.
Caen le 01-01-2019
Jean PICARD.
A Caen l'émeute? Heu!
Les dernières manifestations croissaient en participants. La manifestation du samedi 5 janvier atteindra selon la presse 3000 personnes, mais pour les habitués des manifs c'estbien plus, en effet la surface occupée correspond à unegrosse manifestation. Nous sentions semaine après semaine une tension, une rage quis’accumulaient et massifiaient. Après des affrontements lors des piquets de rond point et actions sur les centres commerciaux, l'action policièrelimitait le champ d'intervention des G-J. Les nuisances des G-J se réduisaient à des manifestations carnavalesques, des déambulations au grès des élucubrations de potentiels porte parole , de fait à pas grand chose. Ce samedi la manifestation commençait dans le calme. Devant le commissariat de police, le cordon de police reçu quelques insultes et moqueries malgré une marseillaise pour souder le peuple et la police pour maintenir l'illusion d' une unité nationale. Devant la préfecture quelques grenades lacrymogènes dispersent la foule . Cette dernière fort contrariée file en direction de la banque de France.Pourquoi la banque de France: prendre le trésor , dénoncer le fiscalisme, conspuer un symbole d’État, cible par dépit. En fait la manifestation se disloquait en plusieurs groupes sans but , mais ces groupes certes à distance comme un défi au pouvoir restaient devant la préfecture. Certains appelèrent à se diriger vers la banque à quelques rues de là, un cordon de police est devant la banque. La presse parlera d' incidents bien que rien de tel n'exista. On attend que la police encercle le rassemblement, que le lieu est une nasse, des appels à quitter l 'endroit . Par groupe les G-J commencent à se diriger vers le centre ville. Une partie de manif se fait gazer et recule. L'arrivée des autres groupes de G-J est aussi gazée. Les tires de grenades visent l' ensemble des manifestants, les gazs sont très concentrés tout le monde suffoque, tousse, crache. Un autre tir de grenades va électriser la situation , la police commence à avancer en direction des manifestants. Pour stopper les flics des individus commencent à ériger deux barricades avec palettes, planches, grilles et matériaux (chantier du tram), poubelles etc . Re tire de grenades l’atmosphère et irrespirable . Des cris - faite du feu pour évacuer les gazs. La première barricade s 'embrase, tirs de grenades d' autres barricades sont construites et une autre barricade est enflammée et ainsi de suite pendant plusieurs heures. Une centaine de personnes utilise les grilles du chantier comme bouclier pour avancer sur la police. Des centaines de G-J caillassent les flics, beaucoup de personnes restent sur place visiblement solidaires. Des femmes, des hommes de tout âge font fassent à la police, on entend même des plus âgés(es) montrer ou expliquer comment résister aux charges de police, plus de mille personnes sur place défient le pouvoir. Dans plusieurs villes en France les mêmes émeutes, certes ce n'est pas une insurrection mais clairement la tension monte. La bonne bourgeoisie va hurler contre les violents, les séditieux. Cette bourgeoisie ne voit de violence dans l' oppression/ exploitation mais que lorsque qu' à juste raison l'opprimé se soulève contre sa condition. Si les chiens de garde du système se contorsionnent de douleur , de mine déconfite, de fausse stupeur, d' expertises de prétendus spécialistes de plateaux de télé, d' un comment est-ce possible, que fait notre police et l' armée, de création de fichiers, d 'interdictions de manif, de rassemblements de G-J en réduction etc. C est que ces mêmes zélotes du pouvoir savent que l'émeute est populaire, malgré la pression et manipulation médiatique sur la question de la violence. La lutte des G-J peut déclencher une résistance massive.
Caen le 8-01-2019.
Manifestation gilets jaunes du 12 janvier 2019
La participation en hausse se dirige devant la prison en soutien aux diverses inculpations et condamnations de manifestants. Les mobiles gazent et chargent en permanence, faisant refluer la manif en centre ville, quelques poubelles et bacs à fleur sont renversés pour ralentir les charges de police. S'ensuit plusieurs heures d'affrontement , barricades et jets de projectiles. En fin d'émeute devant la gare près de 1000 manifestants refusent de quitter l'endroit. La grande majorité sont des révoltés sans appartenance politique claire, beaucoup sont des petits revenus. Puisque les blocages / piquets sont défaits par la police, certains pensent dans la forme émeutière créer un rapport de force contre le gouvernement. Chacun a son avis , mais il est bien facile de gloser sur la révolte des opprimés et faire silence sur la violence de l'oppresseur.
Le veille, une A-G de plusieurs centaines de G-J se tint dans les locaux de la Demeurée (ferme autogérée de St Contest). Présentation interminable des commissions et prises de parole des mêmes personnes, dont les éternels auto-mandatés. Il n' y avait, selon ceux qui tenaient la tribune, plus de temps pour discuter des revendications ni de la suite de la lutte. Il fallait donc immédiatement marcher sur la prison. Il se trouve que beaucoup entendait parler du ric et de l'organisation du mouvement. La tribune s'activa à monopoliser la parole et réduire voire empêcher les prises de paroles de la salle. Comme ces dernières se multipliaient, la tribune insista pour un vote de marche immédiate sur la prison; beaucoup d'interventions demandant pour cause de nombre de renvoyer cette marche pendant la manif de samedi, habile stratagème de La Tribune: << ceux qui veulent faire la marche se placent ici, ceux qui ne veulent rien faire se placent à l'opposé>>. De la salle, certains se hissent sur la tribune et prennent la parole, ceux qui tiennent la tribune sont débordés et L' A-G se termine sans véritable décision. Autre fait, pendant la soirée un compagnon actif dans la lutte est menacé à plusieurs reprises par un groupe se disant S-O de l' A-G, ce groupe est vu en discussion discrète avec Bunel (militant exd-d se disant porte parole). Ce Bunel prend la parole pour pousser à la marche sur la prison, contesté et traité de facho, le soi disant S-O montera sur la tribune pour le protéger. Certains d'ext-d travaillent à partir du ric et prennent des contacts, ils tiennent la banderole de tête de manif, à celle du 12 janvier ils ont fait rentrer Bunel en tête de manif qui resta présent lors de l'émeute. Le Bunel dénonçait les flics et la répression policière. Pourtant ce Bunel adjoint de Mégret, gérait la police municipale à Vitrolles. Donc ces gens la poussent à l'émeute, de l'autre ils soutiennent la police et dénoncent les casseurs et depuis quelques temps, au prétexte de casseurs, tentent d'organiser des S-O avec bérets de parachutistes. Il est possible que des amis de ces gens-là soient dans les inculpés, les poussant à une certaine radicalité . Il est possible qu’à cette A-G, l 'ext-d ai fait venir des militants pour cette marche. FR3 signalera la présence de l' ext-d et d'un groupe venu du Havre, puis donnera la parole à un individu défendant les racines blanche et chrétienne de la france… L'erreur de certains insurrectionnels, c'est d'oublier que l'insurrection n'a pas d'idéologie définie, l' ext-d peut être aussi pour l'insurrection, tout dépend du contexte. L' ext-d joue le chaos pour faire surgir un ordre nouveau, le sien. Avec le drapeau tricolore, la marseillaise, elle joue double jeu, tente de rallier les forces répressives, en conservant une sympathie chez les G-J, incluant les émeutiers comme force de manœuvre.
La question est donc posée, comment empêcher le noyautage du mouvement, des A'Gs, des commissions par l' ext-d. Il faut clairement dénoncer son double discours, pourquoi elle substitue les revendications de pouvoir d'achat et de l’ISF au ric, pourquoi en soutien à la police, elle dénonce les casseurs et joue en douce l'émeute, pourquoi elle ne soutient plus l'augmentation du SMIC ce qui ne fait pas l'affaire de ces amis patrons, etc...
Caen le 15 janvier 2019
Manif G-J du samedi 19 janvier 2019
La participation à cette manif est dans une fourchette 3-5000 personnes. D' une manif à
l' autre, il y a un turn-over, une alternance importante, nous pouvons en déduire que la base mobilisable oscille de 6 à 10000 personnes. À Caen, nous avons connu dans le passé des manifestations de plus de 30000 personnes. Dans ce cadre actuel et ce contexte, les manifestations G-J sont donc très importantes en chiffre. Après l’ éternelle ballade dans le centre ville de Caen, la manif s'est dirigée vers la presqu’île, l'accès était barré par un escadron de police. La manif continua son chemin en direction du périphérique personne ne sachant clairement le but ( portée la manif dans les quartiers dits populaires, blocages d'un site ?). C 'est là qu'un phénomène bien connu surgit, celui de l'armée mexicaine, interventions selon les fantasmes de certains, des ordres et contre ordres, bref le bordel. Un peloton de police barrant l 'accès au périphérique, une partie de la manif reste sur place; pour contourner le peloton de police, l' autre partie se hisse sur le ballast d'une voie de chemin de fer, mais par ignorance du lieu ou interventions de certains, le flot se répand en contre bas sur une base de dépôt de la gare, ce lieu clos est une nasse. Certains arrivent à regagner l' entrée de Caen malgré les charges et gazages. Suite à une discussion et quelques informations, est décidé d' attendre sur place le retour du reste de la manif. La jonction des deux morceaux de manif ( environ 1-2000 personnes) se fait au niveau d' un des ponts d'entrée du centre ville. La police gaze pour stopper le franchissement du pont, s'ensuit des tentatives de barricade car la police très mobile charge et gaze en permanence pour disloquer la manif et empêcher l' accès au centre et son chantier du tram (nettoyé la veille). Des centaines de personnes copieusement gazées , chargées, disloquées mais déterminées à manifester à ne pas céder aux injonctions de la police, résistent et reforment des cortèges, occupent des places . La police repousse avec succès vers l' extérieure de la ville, les derniers manifestants embourbés dans la zone humide de la prairie s'échappent en fin de journée, quelques arrestations ont lieues.
Une question sérieuse commence à prendre de l' ampleur, c'est le rôle de la commission action. On ignore qui la compose, ses réunions, ses décisions… Ce qui
s 'observe, c'est bel et bien une présence de l'ext-d qui se revendique de la commission action avec mise en place d 'un S-O; il est clair que la banderole de tête de manif est composée de personnes d'ext-d faisant la part belle au Bunel qui pavane maintenant en tête de manif en jouant au caporal. Le double discours de cette mouvance est patent. Pendant les manifestations, elle protège les étales des commerçants, fait un petit S-O devant la préfecture, les pelotons de police etc. Elle fait courir des bruits << faut quitter la manif pour renforcer un blocage ( qui n'existe pas), agit pour soit disant déplacer la manif pour des endroits plus paisibles, prétend que le calme est du au S-O (etc...), mais en sous-main pousse à des actions violentes. Cagoulés ou visage sous un gros cache-nez, cette mouvance d 'ext-d pousse à l'émeute mais disparaît aux moindres incidents avec la police ou réapparaît pour donner des consignes contradictoires. Plusieurs explications du double jeu sont possibles. Une fraction d' ext-d ne joue pas la carte légale ni les élections mais espère une logique d 'insurrection nationaliste. Cette posture est constante dans une partie de l'ext-d anti démocratique et partisane d' un blanquisme de droite , celle d' une minorité qui s'empare par la force du pouvoir. La situation de radicalisation fait que beaucoup de manifestants expriment leur haine des élus, des flics, tout ce qui incarne le pouvoir. L' ext-d en générale espère récupérer adhérents ou électeurs parmi ces révoltés et pour cela doit tenir des propos ambigus, par exemple face à une population peu argentée on soutient la révolte légitime des gilets-jaunes et accuse la répression; de
l' autre (par exemple dans le Sud), face à un électorat plus friqué et détestant les
<< assistés>>, c'est le soutien aux forces de l'ordre et on dénonce les casseurs... Autre explication, l'ext-d a besoin de maintenir jusqu'aux élections la mobilisation des G-J et laissera filer la situation car l' émeute ne divise pas voire maintien la lutte au niveau suffisant. Autre hypothèse L’ ext-d ne peut encadrer ou contrôler une telle masse et se contente de donner l'illusion de la posséder. A Caen, la population mobilisée n' est plus celle du début. On observe un retour de certains slogans, que la marseillaise et le la police avec nous ne font plus grand succès, une prise de conscience de la tentative d 'emprise de l ext-d. La dernière manif laisse apparaître que cette commission action était complètement inefficace, débordée, désarticulée. Par incompétence, inexpérience et divisions interne ( sur les cibles et la radicalité), elle découvre qu' il est plus facile de menacer des individus isolés que de diriger une foule, parce qu'une foule de cette nature ne marche pas comme à la parade et ignore les délires de petits caporaux. Toutefois contrairement à certains, nous ne pensons pas que l'ext-d est marginale, composée de gros bras écervelés , certains pensent et son intelligents , par retour d 'expérience, ils sauront faire régner leur ordre dans les manifs. La question est donc posée que faire face a l'entrisme de ces gens-là ?
Caen le 21 janvier 2019
DES REVENDICATIONS A L'UTOPIE
Les revendications immédiates, celles qui visent à l’amélioration des conditions d’existences ou de certaines classes sociales apparaissent dans le cadre capitaliste comme contradictoires avec l’idée de révolution. Première contradiction :négocier avec l'Etat et le patronat de meilleurs avantages consiste à négocier le taux d’exploitation. On ne participe pas à détruire la cause du couple "oppression/exploitation". C’est-à-dire le couple "Etat/patronat". Négocier son taux d’exploitation c’est soi-même autoriser la bourgeoisie à exploiter. C’est légitimer son oppresseur que de négocier avec lui la forme et le niveau de son oppression. Deuxième contradiction :les revendications immédiates sont intégrables par le capitalisme. En restant dans la logique du capitalisme et, par contre coup, dans les possibilités qu’il offre avec un peu de, soi-disant, "réalisme et pragmatisme", on saura très vite ramener des revendications à un niveau acceptable et sous couvert, là encore, de "réalisme et de pragmatisme". "Ne nous conduisons pas comme les extrémistes démagos !" n’arrêtent pas de nous répéter les bons syndicalistes respectables et responsables. "Réalisme" et "pragmatisme"(1)doivent faire leurs œuvres pour conserver les revendications dans les limites du possible des contraintes de l’économie capitaliste : à savoir limiter les coûts salariaux pour que les productions soient compétitives sur le marché, maintenir des équilibres budgétaires afin de diminuer la pression fiscale, surveiller la balance des paiements, etc. Troisième contradiction :lorsque la dynamique des luttes rentre dans une phase critique, les revendications immédiates peuvent sauver le capitalisme et sa bourgeoisie. En effet, l’agitation va obliger le patronat et l'Etat à lâcher de la monnaie. Cette dernière équivaut à faire des achats, donc à augmenter le pouvoir d’achat des ménages. Les dépenses des ménages vont stimuler la croissance qui laissera croire à une embellie de l’économie pendant un à deux ans.La satisfaction de certaines revendications ramènera la paix sociale, sauvant politiquement le capitalisme, puisque l'Etat et le patronat peuvent satisfaire les exploités. En lâchant quelques miettes aux exploités, la bourgeoisie espère sauver l’essentiel sachant qu’elle pourra reprendre petit à petit ce qu’elle aura lâché. Le plus bel exemple récent est "Mai 1968" où le patronat et l'Etat, relayés par les valets du syndicalisme réformiste, se sont empressés de juguler l’action et la démocratie directe, la grève générale, la crise politique qui menaçaient le capitalisme, en octroyant des avantages jamais égalés : les fameux "Accords de Grenelle" qui se sont amincis à ce jour comme une "peau de chagrin". Une fois le calme revenu, la bourgeoisie sait reprendre ses affaires les années suivantes : un peu d’inflation, une augmentation des impôts et de la productivité (cadences, horaires, nouvelles organisations de la production(2)), des restrictions salariales (salaires, prestations sociales, retraites, etc.) rogneront les avantages acquis. Profitant de la retombée et de la passivité, le patronat purgera ses entreprises des militants révolutionnaires et renforcera l’emprise du syndicalisme réformiste plus "réaliste" et "consensuel". Pourtant nous devons défendre, incorporer et agir avec la dynamique des revendications immédiates. La lutte revendicative peut être évolutive. On démarre sur du revendicatif mais on ne sait pas où ça va aboutir. Cela commence et peut évoluer ainsi : nous sommes dans une situation atone. L’expérience et l’histoire du mouvement ouvrier ne sont plus transmises à de nombreux salariés. Politiquement, partis et syndicats n’entretiennent que méfiance. On ne croit pas à un changement profond. Pire, il n’est dans la conscience de chacun aucune hypothèse autre que la société présente. La norme comportementale admise et défendue est celle de la classe dominante : l’individualisme est de règle, marqué par la désyndicalisation, la dépolitisation et le consensus social. Mais voilà, l’oppression sous toutes ses formes gagne du terrain. Les difficultés s’entassent et les possibilités de faire son trou disparaissent, comme celles d’accéder aux échelons supérieurs de l’échelle sociale. La lutte pour la survie se généralise et le sentiment d’injustice grandit. Ras le bol, on n’a plus le choix, il faut se battre ! Le mécanisme psychologique qui conduit de la passivité à l’activisme s’enclenche. Comme nous sommes dans une phase encore réaliste à cause de la dépolitisation, les exploités réclament au système en place la satisfaction de leurs exigences qui sont elles-mêmes peu importantes, par réalisme, du moins, au départ. La phase revendicative s’enclenche. Pour peu que des succès soient ici ou là enregistrés, d’autres réclament ces mêmes avantages, individuellement ou collectivement. D’autres luttes apparaissent et d’autres succès jouent sur le développement de ces luttes. Celles-ci pullulent bientôt. C’est la phase de généralisation. Pendant cette phase, les luttes revendicatives vont être placées devant un dilemme : soit chaque conflit progresse de son côté sur ses objectifs propres et par rapport à une défense catégorielle ou corporatiste, ce qui revient souvent à lutter contre d’autres catégories ou corporations et en définitive à lutter contre ses intérêts de classe et ça arrange bien le pouvoir ; soit la situation amène les exploités (et les structures de lutte) à se croiser, à se rencontrer, à débattre, voire même à s’opposer et les revendications s’entrechoquent. Alors, si la situation est mûre tant au niveau social qu’au niveau de la maturité politique, l’unité doit et peut se frayer son chemin. Car l’unité est une nécessité vitale pour la dynamique des luttes. Reste à formuler cette unité et le contenu unitaire ou unifiant. Il appartient à chaque organisation de souscrire à un soutien ou à un rejet de ce contenu revendicatif. Il est très probable que l’unité revendicative des luttes ne puisse se faire que dans l’optique d’une revendication qui soit généralisée. C’est à dire valable pour tous, égalitaire ou tendant vers l’égalité et rejetant tout ce qui n’est valable que pour une catégorie professionnelle. Ceci est ce qu’un anarchosyndicaliste doit défendre, par exemple. Je précise également, pour nous, que l’unité ne veut pas dire uniformité. Nous défendons le principe de l’unité dans la diversité (des pratiques de luttes, des actions menées, des analyses...). L’important, c’est l’unité à la base des travailleurs, des chômeurs et des étudiants dans des comités de lutte ou de grève autogérés et coordonnés sur des revendications elles aussi unifiantes. Si la phase d’unifications’impose, elle change profondément la situation et la perception des choses. En effet, cela signifie que le chacun pour soi, le catégoriel et le corporatisme sont dépassés puisqu’il s’agit enfin de s’unir. Cette exigence nécessite et induit que les collectifs de chômeurs ne se contentent plus de revendiquer pour eux quelques avantages mais pour l’ensemble des chômeurs des droits nouveaux, par exemple. Idem pour les étudiants et les salariés qui ne réclament plus la gratuité d’inscription dans telle fac mais dans toutes les facultés ou de meilleures conditions salariales dans telle usine ou tel secteur d’activité, mais pour l’ensemble des salariés (on se bat pour des conventions collectives). On ne demande plus pour le droit au logement dans telle ou telle ville mais pour le droit au logement pour tous. Cette politique unitaire doit amener la construction d’un front de lutte commune aux chômeurs, étudiants et salariés. L’unification modifie aussi les contenus revendicatifs : petites revendications, petits rapports de forces ; grandes revendications, gros rapports de forces. Les revendications deviennent plus importantes, plus générales et exigeantes. Découvrant leur force et les moyens que donne l’unité, les luttes s’amplifient et se radicalisent. La lutte devient générale et ses techniques se multiplient qui vont de la grève à l’occupation des usines, des facs, des administrations et, en passant, par toutes sortes de manifestations jusqu’à la désobéissance civile, etc. Cela gagne tout le système social. La situation devient critique et peut basculer dans une toute autre problématique. Les exploités commencent à critiquer et rejeter à la bourgeoisie. Ils s’attaquent à son fric et à ce système qui le permet et à leur oppression. La cause des inégalités, à savoir le capitalisme et l'Etat, est dénoncée. Les lois et organismes de ce dernier : les tribunaux, les politiciens, le parlement, le gouvernement, la police, l’armée... sont saisis comme garants du système et conspués en tant que tels. La phase de politisationdans laquelle nous entrons prépare d’autres combats. La bourgeoisie le sait et est tentée de laisser pourrir la situation. Néanmoins, cela risque de devenir dangereux. Il lui reste à jouer le jeu en cédant sur des revendications dans l’espoir de ramener le calme. Car la rupture n’est pas encore consommée. Nous sommes encore dans une logique revendicative (voir plus haut). Les syndicats réformistes accourent aux tables de négociations, voulues par le gouvernement et le patronat pour étudier avec eux les réponses à ces revendications. Soit les exploités obtiennent satisfaction et le calme revient ; soit ça coince, il n’y a pas d’accord et les désordres continuent. La situation devient pré-révolutionnaire. Les exploités s’attaquent à l'Etat, au gouvernement, voire aux partis et aux syndicats réformistes. Les valeurs morales, éthiques de la bourgeoisie sont contestées. Une contre-idéologie apparaît : antiétatisme, solidarité, recherche d’être autrement et d’autre chose qui se traduit par une nouvelle signification de l’existence et des rapports sociaux, etc. La phase idéologiqueest avancée. En cas d’échec des négociations, les alliances se préparent et se tissent. La bourgeoisie va tenter de faire bloc et elle le fera avec le patronat, les partis de droite, les hauts dirigeants des administrations et des corps d'Etat. La bourgeoisie décrète la mobilisation générale de tout ce qui peut la soutenir. Reste à bien appréhender les positions des pontes des partis de gauche et des bureaucrates des appareils syndicaux traditionnels impliqués dans ces luttes. En règle générale, la gauche politico-syndicale s’adonnera à de la surenchère verbale en exigeant de meilleures réformes et la satisfaction de toutes les revendications. Tout cela pour faire croire aux exploités qu’elle soutient leurs exigences et qu’elle représente leurs intérêts. Si les exploités se laissent duper, les réformistes vont utiliser leur influence pour orienter la lutte dans la voie légaliste et institutionnelle en proposant l’idée d’un gouvernement d’union nationale (ou de salut public) de type "front populaire", par exemple. L’objectif de ce gouvernement sera de distribuer quelques miettes et autres menus avantages aux exploités dans l’espoir que ces concessions et la promesse de futures lois, censées leur apporter entière satisfaction par les moyens légaux, ramèneront le calme. Parallèlement, cette gauche tentera de limiter la lutte aux seules revendications matérielles et immédiates et essayera de diviser les exploités. Par le biais des syndicats, elle jouera de son influence pour éviter les liaisons entre salariés, étudiants, chômeurs.... bloquant toutes les actions de solidarité, limitant les objectifs de lutte aux entreprises et dénonçant l’aventurisme révolutionnaire. Il ne reste plus aux exploités qu’à stopper leur action et à attendre monts et merveilles de ce gouvernement populaire qui, les luttes se désagrégeant, pourra tranquillement trahir ses engagements. Car la gauche politico-syndicale n’a pas pour but d’abattre le capitalisme et ses inégalités. Elle n’est qu’une composante de la bourgeoisie comprenant des élus et des permanents syndicaux. Ses intérêts matériels dépendent donc du cadre capitaliste. Une révolution sociale et libertaire ôterait tous ses avantages et pouvoirs aux membres de cette classe. En derniers recours, cette gauche combattra toute poussée révolutionnaire et s’alliera aux forces conservatrices. Si cette gauche ne suffit pas à canaliser les luttes dans le maintien de l’ordre établi, la bourgeoisie pourra toujours se lancer dans l’aventure dictatoriale avec ou sans la bénédiction légale du parlement. La phase idéologique ayant si possible et en connaissance de cause fait son chemin, les temps sont favorables pour mettre en place les moyens concrets d’une autre société (et donc d’une autre culture) capable de satisfaire les nouvelles exigences matérielles et éthiques. La mise en place de cette autre société pourrait être appelée la phase utopique. Bien évidemment, ce processus peut aboutir ou bien capoter. Toutefois, rien ne permet de prévoir à l’avance son issue. Il est clair que ce raisonnement par "phases" n’est là que pour illustrer ma vision des choses. Dans la réalité, les différentes phases se mêlent, se chevauchent et s’interpénètrent. Chaque phase contient déjà en elle-même une partie des éléments qui peut l’amener au niveau de développement supérieur. La lutte connaît certes des avancées mais aussi des reculs. Les grèves générales peuvent se succéder ou bien laisser la place à un mouvement extrêmement diffus et tenace qui pratique le harcèlement sur une grande échelle. Les hypothèses sont évidemment multiples. La réalité et les conditions concrètes de la lutte des classes nous éclaireront sur la conduite à tenir.
Vive la grève générale, vive la phase utopique
Ainsi, nous voyons bien qu’au départ, la logique revendicative n’est pas "pour ou contre le capitalisme". Elle serait même plutôt liée au cadre existant. Mais la logique revendicative peut déboucher en évoluant sur une crise sociale majeure. L’autre aspect des revendications immédiates c’est le refus d’attendre des lendemains qui chantent et les grands soirs, le refus des promesses de paradis de toutes sortes ou de mots d’ordre du genre : "soyez sages et patients, demain ce sera mieux". Ce stoïcisme social consiste en définitive à vouloir maintenir le cadre social. La revendication immédiate modifie la base matérielle des sociétés et des individus et, par là même, leurs idées et références. Ce lien et ses conséquences sont bien sûr sujet à débat. En ce qui me concerne, je suis de ceux qui pensent que la base matérielle des sociétés, des collectifs et des individus jouent dans leurs perceptions et représentations des choses. Je ne pense pas que la grande misère signifie révolte et grande conscience révolutionnaire. Partant de l’adage "ventre affamé n’a point d’oreilles", je suis convaincu que la grande misère ne laisse pas place à des analyses profondes. Car celle-ci rend trop faible, trop démuni et trop astreint à la survie. Il faut un certain degré de confort matériel pour se préoccuper d’autre chose que du bol alimentaire. Il est aisé de constater que, par nécessité de production durant les deux dernières guerres, nombre de femmes quittèrent leur foyer, découvrant ainsi la bêtise de l’idéologie patronale qui faisait de l’homme le salarié et l’unique ressource financière de la famille, par exemple. Elles découvrirent qu’elles pouvaient faire des choses similaires : l’entreprise, le salariat, et surtout la liberté de ne point être asservies à leur seigneur de mari. Du fait de la croissance, la féminisation de la main d’œuvre va s’accélérer en apportant aux femmes une certaine autonomie économique et plus d’indépendance. Les idées dites "féministes" n’avaient plus qu’à se répandre. De sacrées modifications idéologiques et culturelles s’ensuivirent. Le confort sanitaire a modifié l’idée d’hygiène et la perception corporelle. Le confort médical a, lui, accentué la vision de la santé, du rôle de la protection médicale et de son éthique. La réduction du temps de travail et la diminution relative de sa pénibilité nous fait cogiter sur le temps libre et le plaisir. Essayez aujourd’hui d’expliquer que nous ne sommes là que pour produire et que le temps libre est péché, je vous laisse deviner le résultat. Que ce soit au niveau individuel ou des couches sociales d’une société, la situation matérielle influe directement sur leurs idées, leurs perceptions et leurs représentations. On ne pense pas et on ne projette pas les mêmes idées à l’âge de pierre, du bronze ou de l’ordinateur. On n’a pas la même perception de la pauvreté en occident ou en Afrique. Le jugement sur la question est forcément lié au contexte économique des pays. Reste à déterminer ce qui doit être défendu et rejeté ou modifié au niveau matériel et idéologique. Vouloir rejeter et se détourner, voire refuser les revendications immédiates et, par là même, refuser d’agir sur les bases de la vie matérielle des travailleurs et des opprimés est à la foiscriminel,illusoireet dangereux.Criminelparce que niant le droit des plus opprimés à vivre mieux en refusant de saisir le rapport évolutif des luttes revendicatives dans les consciences. Nier le rapport "situation matérielle/concept idéologique" ne me semble que trop ambigu pour un syndicaliste. Illusoireparce qu’une organisation révolutionnaire qui rejetterait tout aspect revendicatif n’aurait aucun impact dans des luttes sociales de classe et, de fait, ne servirait à rien. Car les exploités se passeraient des services d’une telle organisation en continuant quand même leurs luttes revendicatives. Dangereuxparce qu’une pareille organisation serait attaquée par ceux-là même qu’elle entendait défendre ; pire même, elle constituerait une alliance de fait avec les contre-révolutionnaires par son non-engagement. Nous voyons bien la nécessité de la lutte revendicative avec ses pièges et ses dangers mais aussi avec ses perspectives positives. Seules les revendications qui s’écartent de nos principes tactiques et théoriques doivent être combattues. Tout ce qui concourt à l’amélioration des conditions de vie générales au niveau économique, psychologique, physique... doit être entrepris. Tout ce qui tend à réduire le taux d’exploitation même s’il ne le supprime pas doit être poursuivi. Tout ce qui permet une société divisée en classes sociales doit être combattu. Un autre constat peut s’imposer si la lutte revendicative suit plus ou moins notre logique de phases par accumulation d’expériences(3). Il ne suffit pas de plonger les exploités dans telle ou telle situation pour que spontanément les réponses appropriées aux objectifs suivent mécaniquement. Il faut tenir compte du fait que l’individu agit et pense en fonction de ses objectifs, de ses références idéologiques personnelles et ambiantes, de son histoire relationnelle et sociale qui marque sa psychologie. Il ne faut pas oublier que tous les individus n’ont pas la même expérience du conflit social. Nous avons ceux qui ont vécu des luttes radicales, mais limitées par le nombre des participants, restant à la phase des revendications et ceux qui ont vécu soit des révolutions ou des grèves généralisées du type "Mai 68". Ils n’en tirent pas les mêmes conclusions. La capacité des politiciens à traiter les problèmes (manipulation, intox...) ou la manière de les traiter (répression...) interviennent également dans les processus de lutte. Aujourd’hui se pose à chaque génération la question des liens qui permettent de communiquer l’expérience des générations précédentes. Car c’est l’accumulation et la transmission de toutes ces expériences qui rend possible l’adoption d'une unité théorique et tactique de masse. Fort heureusement, l’acquisition de valeurs et de connaissances militantes est liée à l’expérience collective et historique. L’environnement social, économique et idéologique d’une classe marque la conscience de chaque individu appartenant à celle-ci. Voilà pourquoi on parle de traditions de luttes ouvrières, syndicales et politiques, soit de bastions ouvriers et bourgeois, soit de courants révolutionnaires ou réformistes. Bien sûr, l’évolution du capitalisme et la disparition des vieux sites industriels font voler en éclats les lieux et les moyens de transmission de ces expériences de bagarres. Ce qui rend très difficile la maturation et la quantification de ces différentes expériences de luttes, surtout à partir d’une problématique rupturiste. La brièveté des luttes et des structures (faute de perdurer) rend difficile le lien trans-générationnel et l’accumulation d’expériences nouvelles. Le syndicalisme réformiste replié dans ses entreprises ne défend plus que de menus avantages. Il ne se soucie volontairement que très peu de faire jouer au mouvement syndicaliste ce qui fit son intérêt et son originalité. Après avoir détourné le syndicalisme de son véritable but à savoir la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs et leur émancipation par l’abolition du salariat et du capitalisme, les réformistes ont vidé le syndicat de son autre fonction vitale : les syndicats doivent être comme à leur origine des lieux d’éducation populaire pour nous. C’est à dire des lieux où l’on doit défendre les valeurs, les principes et les idées véritablement socialistes et révolutionnaires.Il reste maintenant à poser la question de savoir quelle est l’organisation syndicale capable de contester le capitalisme tant au niveau économique, politique et idéologique. C’est-à-dire globalement. Quelle soit capable d’assurer le lien trans-générationnel, l’autonomie des forces progressistes et l’indépendance vis-à-vis des partis politiques, sans aucune compromission avec les politiciens et les syndicalistes vendus à la bourgeoisie. Quelle soit capable d’être présente à chacune des phases de la lutte et suffisamment pédagogique pour préparer aux tâches présentes et aux différentes phases successives. A ce jour, je ne connais qu’un seul concept qui satisfasse ces exigences : l’anarchosyndicalisme porté et défendu par une seule organisation qui est la section française de l’Association Internationale des Travailleurs - la Confédération Nationale du Travail.
Jean Picard, juillet 1996
(1)Que de renoncements on a cherché et réussi à nous faire accepter derrière ces
deux mots à l’apparence si propre !
(2)Automatisation, par exemple.
(3)Je suis convaincu que c’est de l’expérience et des besoins que naissent les tactiques et doctrines sociales.
POUR UNE REELLE RESISTANCE DES EXPLOITES ET OPPRIMES,
POUR UNE UNITE DES LUTTES SOCIALES
Depuis plus de trente ans, patronat et Etat enchaînent les plans de restructuration et appliquent la même logique : augmenter la productivité, comprimer la masse salariale, mais aussi précariser, flexibiliser et "pacifier" les salariés par la peur du chômage. À toutes ces mesures, l’Etat rajoute la réduction du salaire indirect (c’est-à-dire les aides sociales). L’écart entre les niveaux de pouvoir d’achat grandit sans cesse et produit une ségrégation qui exclut une part croissante de la population, surtout en terme de qualité (logement, santé, nourriture, éducation...). Le résultat est patent : dégradation générale des conditions de vie des salariés, et constitution d’une masse de cinq à sept millions de pauvres. Les hauts revenus croissent proportionnellement aux inégalités, avec, en prime, l’arrogance des nantis, les pratiques sécuritaires et répressives, l’absence de démocratie, le contrôle social croissant, la remontée d’idéologies réactionnaires (religions, dirigisme, darwinisme social, anti-culture, militarisme, etc.).
Ayant poussé l’oppression sur les tous petits revenus jusqu’aux limites du supportable, la bourgeoisie concentre maintenant son bellicisme contre les couches qui ont des revenus supérieurs au SMIG, toujours suivant la même logique, en mettant en priorité (idéologie oblige) la fonction publique dans le collimateur. Pour cela, elle s’appuie sur une démagogique baisse des impôts. Malgré de confortables revenus, la grande bourgeoisie trouve la fiscalité "pénalisante", d’autant qu’elle utilise peu les services dits publics, préférant les officines privées. La moyenne bourgeoisie, dont la stupidité n’est plus à démontrer, s’en réjouit, ignorant qu’à terme, elle payera, directement et bien plus cher, des services qui sont pris en charge actuellement par l’impôt. Les pauvres se taisent, n’étant pas directement concernés par la réduction d’impôts. Or, en limitant le déficit budgétaire à 3 % et en aggravant les contraintes budgétaires par la réduction des recettes fiscales, l’Etat diminue de fait le financement du secteur public et induit une politique encore plus anti-sociale. Il crée aussi, artificiellement, les conditions du dysfonctionnement du service public ... dont il profitera pour dénoncer la mauvaise qualité, les coûts "exorbitants", le faible rendement et le je m’enfoutisme. Sournoise manœuvre qui résulte de l’application accélérée de l’AGCS (Accord Général sur les Commerces et les Services), c’est-à-dire de la mise en concurrence des services publics entre eux ou avec le privé. Public ou privé, dans tous les cas, on nous imposera de sacrifier au dogme de l’économie de marché : réduire les coûts de production pour être "compétitifs". De nouvelles dégradations des conditions de vie des salariés sont donc en perspective.
Face à cette nouvelle phase de l’offensive capitaliste, la résistance populaire doit se manifester. Mais nous devons d’abord analyser ce qui nous divise.
Le corporatisme
Pris dans une vision à très court terme empreinte d’un certain individualisme, beaucoup de salariés ne voient leur salut que dans la défense de leur statut particulier, sans réaliser qu’en agissant ainsi, ils se condamnent. Car le corporatisme, en isolant chaque secteur, loin de le protéger fait le jeu de la théorie des dominos : la chute de l’un entraîne inexorablement la chute d’un autre et ainsi de suite. Cela se passe soit directement (les 40 annuités pour la retraite, une fois imposées dans le privé, ont été imposées sans coup férir dans le public) soit, plus subtilement, de façon indirecte. En effet, dans le système économique actuel toute amélioration sectorielle de la situation des salariés (et même le simple maintien de leurs conditions) est un obstacle à l’accroissement de la compétitivité (c’est-à-dire de l’augmentation continuelle des bénéfices patronaux) et entraîne rapidement par ricochet des "ajustements" (suivant les cas : restructuration, délocalisation, déqualification...).
Faute d’invariabilité de la valeur de la force de travail, toute amélioration catégorielle se retourne contre les salariés. Nous devons donc poser des revendications anti-corporatistes. Quelques pistes : revenu social, statut unique, égalité de traitement...
L’électoralisme
On nous le dit à chaque fois : les élections seraient le moyen pour les opprimés de renverser la situation. Observons tout d’abord que les alternances gouvernementales n’ont rien produit de semblable. Abusivement présenté comme démocratique, le parlementarisme, produit de la délégation de pouvoir, favorise la démission au quotidien, déshabitue les individus de l’exercice du pouvoir politique et favorise les "spécialistes" de la politique et autres nantis. Défendre le parlementarisme, c’est accepter de se soumettre aux résultats des urnes, aux 82 % de suffrages qui ont hissé Chirac sur le pavois, c’est légitimer la politique anti-sociale qui en découle. C’est aussi attendre éternellement la "prochaine" élection pour espérer un changement, et, dans l’attente, continuer à se faire piétiner. C’est transformer la lutte sociale en champ clos de conflits entre fractions parlementaires qui, lorsqu’elles sont minoritaires se présentent comme "la" solution de rechange, avant de continuer toujours la même politique quand elles reprennent le pouvoir. Un mouvement de lutte qui chercherait à s’appuyer sur le parlementarisme ne peut que s’affaiblir et se diviser et oublierait la masse croissante d’exploités qui refuse le jeu électoral et s’abstient consciencieusement à chaque élection.
Si l’électoralisme divise, l’action directe construit au contraire le rapport de force puisque, par définition, elle est l’action collective et sans intermédiaires des opprimés en lutte. L’action directe est la base originelle du syndicalisme, celle qui lui a permis, un temps, de contrer les attaques du capital. Il est grand temps de renvoyer les bureaucrates, les permanents politiques et syndicaux, les "partenaires sociaux", les élus (politiques ou professionnels), les spécialistes du paritarisme (qui participent à la gestion anti-sociale des caisses et de l’administration) aux poubelles de l’histoire. Ils ont tous amplement démontré que leur objectif n’était pas de "défendre" les salariés. Ils sont là pour encadrer, pour contrôler. La trahison des "élites" syndicales n’est pas gratuite : des milliers de permanents en vivent, grassement payés par l’Etat, les patrons et les caisses sociales. Et même leurs tous petits services sont rémunérés (par exemple, les patrons payent rubis sur l’ongle à un simple délégué du personnel des heures, dites de délégation, pendant lesquelles il n’a pas travaillé).
Quels types de structures ?
A chaque lutte d’envergure, cette question se pose. On voit tantôt refleurir les cartels d’organisations, syndicales (derrière lesquelles on voit poindre le nez des organisations politiques), des coordinations plus ou moins préprogrammées. Comment peut-on avancer sur cette question ?
Nous avons déjà souligné la contradiction insoluble entre ceux qui poursuivent des problématiques électoralistes et ceux qui veulent pratiquer l’action directe. Leur cohabitation est impossible dans une lutte. Il n’y a rien à discuter. Deuxième observation. Les centrales syndicales dites représentatives [1] tout comme les intersyndicales qu’elles constituent au gré de leurs besoins sont de plus en plus souvent rejetées. A juste titre. Car, à moins d’être frappé de niaiserie congénitale, tout salarié qui participe à une lutte se rend compte que les syndicats ne sont là que pour encadrer et mettre des bâtons dans les roues.
De même, il faut être méfiant vis-à-vis de toutes les structures constituées soi-disant "pour être efficace", car, en réalité ceux qui les gèrent sont globalement les mêmes que l’on retrouve dans les partis, syndicats, conseils municipaux ou régionaux, associations... Qu’elle que soit l’étiquette sous laquelle ils se présentent à un moment donné, le but qu’ils poursuivent est toujours le même. Alors, comment faire ?
Fonctionnement vertical ou horizontal
Notre expérience de terrain nous amène à penser que le plus efficace, ce sont des structures qui regroupent tous les individus (syndiqués ou pas) en accord avec les buts de la structure en question. Comment de telles structures doivent-elles fonctionner ?
Le mode de fonctionnement vertical (ou hiérarchique) est souvent présenté comme efficace sous prétexte que les débats démocratiques freineraient la prise de décisions. Or, une structuration verticale induit un appareil non-démocratique, des jeux de pouvoir, la quête de bonnes places au détriment des principes, la collaboration avec les bailleurs de fonds pour rétribuer les permanents, et, finalement l’institutionnalisation. Il suffit d’observer ce que sont devenus les partis et syndicats pour avoir un aperçu de cette évolution. Nous sommes loin du syndicalisme du début du siècle dernier, quand la CGT se référait à la démocratie et à l’action directe, à l’interprofessionnalisme et aux bourses du travail, à l’anti-capitalisme et à l’anti-étatisme, au rejet du militarisme, à la défense de la lutte des classes. A l’inverse, le mode de fonctionnement horizontal est, à terme, réellement efficace car il implique tous les membres dans les décisions et favorise une connaissance collective des enjeux, empêche ou rend difficile l’instrumentalisation de la lutte à des fins personnelles.
Le fait que chaque membre est à égalité de droit est réellement démocratique. L’horizontalité permet la mise en réseau des structures de résistance sans qu’aucune ne prive l’autre de ses prérogatives. Elle permet la coordination et l’action collective, favorise l’équilibration du singulier et du pluriel, harmonise l’intérêt particulier et général dans ce qu’il a d’indissociable. Ce choix du fédéralisme offre d’autres avantages en multipliant les centres de décision, il stimule l’empirisme par la multiplication des expériences puis par la sélection des plus adéquates. Il fragilise également l’attaque de l’adversaire qui tentera d’ailleurs d’amener la lutte sur le terrain du verticalisme et du centralisme, car il est plus facile de soudoyer, corrompre, réprimer, contrôler, manipuler quelques-uns que tous. Il suffit d’imaginer un mouvement de lutte dont l’unique centre nerveux serait par exemple à Paris : si le pouvoir met hors de service ce centre, quelle que soit la façon dont il s’y prenne (par la répression ou la corruption), tout s’arrête. S’il y a des centaines de centres fédérés et autonomes, c’est bien plus difficile pour le pouvoir de bloquer la lutte.
En conclusion
Les attaques de la bourgeoisie ne rencontrent pas d’oppositions sérieuses. Les partis et syndicats de gauche ne permettent pas d’enrayer ces attaques parce qu’ils en sont complices, étant d’accord sur le fond avec les patrons. Il est temps que les exploités et les opprimés entrent en résistance, qu’ils se dotent de comités de lutte indépendants de l’État, des partis, des syndicats, qu’ils réalisent l’autonomie populaire, qu’ils avancent des revendications générales capables d’amener l’unité la plus large en rejetant le corporatisme, des revendications intercatégorielles, qu’ils associent en réseau les structures de lutte selon les bases du fédéralisme, qu’ils élaborent, face à la société bourgeoise et capitaliste, une société égalitaire et démocratique.
Jean Picard, novembre 2003
SOCIOLOGIE POUR LE COMBAT,
SOCIOLOGIE DU COMBAT
Anticapitalisme, critique du libéralisme, luttes sociales (voire des classes) etc., tout cela refait surface. Revient des profondeurs l'épopée héroïque du révolutionnarisme, ses faits, ses mythes, sa sémantique, ses doctrines, ses théories... Cette histoire a valeur pour élaborer un discours actualisé. L'obsolescence due à une mystique du sujet historique conduit à la défaite. Il n'y a pas de changement révolutionnaire sans une dialectique sujet/objet, en soi/pour soi, pratique/théorie. De la croissance des conflits d'intérêts produits par le système resurgit, dans la prose de certains, la figure tutélaire et rédemptrice de la classe ouvrière. C'est de là que nous parlons, avec fierté, reconnaissance et affection. Que serions-nous sans ces combats et valeurs ? Néanmoins quelle réalité, quelle signification a cette catégorie. Est-elle une sous-catégorie du prolétariat ?
La révolution industrielle requalifie le propriétaire du capital productif (le capitaliste) et celui qui ne possède pas les moyens de productions et vend sa force de travail (muscles et cerveau) généralement sous forme de salaire pour vivre (le prolétaire). De nos jours le prolétaire et son statut de salarié concerne la grande majorité du monde du travail. Ce concept juridico-économique soufre de quelques critiques. Il y a des salariés qui sont propriétaire (part du capital), des prolétaires non salarié (travailleur indépendant, etc.). Que cela plaise ou pas, le salarié du secteur privé ou public, le fonctionnaire, le précaire, l'employée, l'ouvrier, l'infirmière, l'enseignant, le policier, le technicien etc., sont des prolétaires. Le monde du travail est catégorisé en fonction des critères socio-professionnels suivant : niveau de qualification, salariat ou pas, propriété juridique du capital. La grande majorité des travailleurs sont des prolétaires salariés ; d'autres sont propriétaire et bien que travaillant, leur revenu est une part des bénéfices (artisans, société en nom propre...). PDG, cadres, gérants… sont également salariés.
Observons que l'évolution du procès de production des marchandises, l'activité économique, la réalité sociale ont modifié ou créé les technologies, les statuts, les catégories socio-professionnelles, les rapports de production, les secteurs d'activités et donc les réalités et perceptions des classes. L'euphémisme catégorisant (employé, ouvrier, cadre, technicien, agent, fonctionnaire etc.) occulte le trop connoté prolétaire. Les classifications sont partiellement justes et jamais neutres. Le travailleur peut être : le patron, le propriétaire du capital, le banquier, le prolétaire, le paysan, l'artisan, le PDG, le sociétaire, salarié ou pas ; de même le prolétaire peut être salarié ou pas.
Définir le prolétaire comme celui qui, n'étant pas propriétaire du capital productif, vend sa force de travail contre salaire est un peu court, surtout si on ajoute la formule moderne, celui dont on extrait la plus-value. En effet quand, par exemple, un artisan vend sa production à un autre capitaliste (prestataire, produit intermédiaire, commerçant...) qui extrait de la plus-value sur le travail d'un autre capitaliste qui est prolétaire ? Les cadres, principalement ceux du management, sont des salariés et souvent ne possèdent pas ou que sous forme très résiduelle ou minoritaire le capital. Ce n'est pas la propriété juridique mais leur technicité qui les hisse dans la chaîne du commandement capitaliste. Ainsi, délocalisations, restructurations, licenciements, investissements, salaires, productivité, montages (juridiques, financiers, productifs, fiscaux, etc.) mais aussi la politique, la fonction publique, les partis politiques et syndicats etc., sont placés sous direction de cadres supérieurs. Les actionnaires (souvent incompétents en la matière) délèguent aux technocrates la gestion du capital financier, productif, politique. Les actionnaires majoritaires, quand bénéfices et dividendes sont menacés, imposent leurs directives, recadrent les technocrates tout en reconfiant le pouvoir à ces derniers. Les cadres supérieurs sont donc des travailleurs qui vendent leur force de travail majoritairement sous forme salariale, qui ne possèdent pas ou très minoritairement la propriété du capital. Observons que des prolétaires classiques, du moins certains, détiennent de petites quantités de capital et que, cadres ou pas, les fonctionnaires sont salariés, ne possèdent pas juridiquement leur outil de travail, ne produisent pas de plus-value (sans doute une des falsifications étatisme = communisme).
Qui donc est prolétaire, comment de nos jours déterminer l'exploitation capitaliste ? Le bénéfice, le taux de profit où de plus-value comme corollaire de la masse salariale sont réducteurs, car centrés sur le salariat, l'économie soumise au bénéfice. On peut généraliser le principe d'économie à but non lucratif pour supprimer le bénéfice. Imposer que la valeur marchande soit égale au coût de sa production. Revenir à la manufacture pour que la valeur du produit égale la valeur de la force de travail et quasi anéantir la plus-value. Réduire le taux de profit à la juste nécessaire accumulation. Tout cela ne rend pas explicite l'exploitation par les écarts des revenus salariaux.
Nous devons élaborer d'autres paramètres et théories. L'économie assure la production des biens matériels nécessaire à tous pour élever et éduquer des enfants, la scolarité, l'entretien de l'habitation, la consommation générale, aider ses voisins ou amis, soigner, etc. De fait le scolaire est un travailleur en formation, le retraité un travailleur qui a fait sa part des richesses, l'homme ou la femme au foyer un travailleur de la domesticité... Que l'économie soit salariale, domestique, reposant sur le don, l’entraide, qu’elle soit publique, privée, coopérative,… d'un point de vue macro économique les diverses activités économiques ne peuvent être séparées ou indépendantes. En grande part nous sommes, serons ou fûmes travailleurs et le salariat n'est qu'une fraction de l'activité économique. L'économie n'est qu'un segment inséparable de la totalité du champ social. Il ne peut exister de social sans économie, ni d’économie sans social. Social implique société pour les hommes, cela est même anthropologique. Pour autant, les choix sociétaux fondant les sociétés particulières sont conventionnels, ils sont le produit de l'idéologie dominante de leur époque elle-même confrontée au développement historique. L'idéologie et sa comparse l'imagination sont immanentes aux hommes ce qui permet l'institution imaginaire de la société. Il n'y a pas d'autre genèse pour les divers systèmes sociaux, que l'humaine origine. Le capitalisme comme le communisme n'échappent pas à ce subjectivisme. Le communisme libertaire est le choix d'un principe, celui de l'égalité de droit. Conséquemment l'économie politique vise à ce que les besoins de la population soient satisfaits et que les individus reçoivent l'égale part de la richesse produite.
Quelques chiffres
La comptabilité capitaliste - bien que ses agrégats soient critiquables - démontre que le revenu moyen est en France d'environ 2 483 € brut mensuel, moins les cotisations sociales soit 2 125 mensuel net, moins la totalité des impôts (sur le revenu, le logement, la TVA etc.), 1 500 € mensuel défiscalisé par habitant en 2010. Une autre source pour 2008 (revenus plus les prestations sociales moins les impôts sur le revenu et l’habitation) donne un revenu disponible moyen de 2 878 €, le revenu médian étant de 2 395 €. Constat : par définition, 50 % de la population est en dessous de ce dernier seuil (2 395 euros). Si on prend le seuil du revenu moyen défiscalisé, c’est 70 % qui est en dessous.
La population active comprend 25 691 400 personnes - salariées à 90 % (soit 23 122 260 personnes) - réparties comme suit : agriculteurs 2 %, artisans + commerçants + chefs d’entreprises de plus de 10 salariés 6,2 %, cadres et professions intellectuelles supérieures 16,6 % (dont professions libérales 1,5 %), professions intermédiaires 24,3 %, employés 29,4 %, ouvriers 21,5 %.
Constat : les actifs sont à 90 % des salariés et 75 à 80 % sont en dessous du revenu net mensuel ! Si nous catégorisons le travailleur prolétaire comme celui qui est salarié, non propriétaire de l'entité économique, celui qui vend sa force de travail dont on extrait la plus-value (c'est-à-dire qu'une partie de la valeur qu'il a produit profite à d'autres, donc qu’il y a exploitation), nous pouvons dire qu’approximativement 70 % des travailleurs sont des prolétaires. Par extension, on retrouve quasiment la même fraction dans la population. En effet son revenu (souvent, du salaire) a pour origine sa force de travail. Elle n'est pas propriétaire des moyens économiques. Elle est exclue des institutions. Elle est en dessous du revenu moyen. Elle ne reçoit pas la part égalitaire de la richesse à laquelle socialement elle contribue. Elle est exploitée, soumise à une forme d'extraction de la plus-value. Elle constitue le prolétariat comme classe sociale. Certains n'entrent pas ou sont à la lisière de cette classe, mais en sont exclus, les rentiers de la propriété du capital, les cadres supérieurs, les profiteurs, les riches, ceux dont le revenu dépasse le revenu moyen défiscalisé. Il faut savoir raison garder, l'absence d'un des critères d'appartenance de classe ne la supprime pas. Quelques fois, le propriétaire du capital utilise sa seule force de travail comme revenu, ou bien ses salariés sont presque au même niveau de revenu, voire il touche lui-même moins. De plus, il faut évaluer à combien de personnes sert le revenu, faisons le quotient : totalité des revenus du groupe par nombre de personnes, pour connaître le rapport au revenu moyen.
En partant non du point de vue individualisé mais socialisé et suivant les données ci-dessus, nous pouvons dire que 70 % de la population gagnerait à changer de système économique et social. Pour cela réduire au juridico-économique le constat de la réalité des classes est peut-être pertinent. Mais l'« en soi » de classe ne détermine ni le « pour soi », ni les choix, ni les luttes de manière mécanique et cohérente. Les facteurs idéologiques, culturels, psychologiques, de situation, interviennent dans les rapports de ou des classes. Combien de prolétaires nient ou trahissent leur classe, combien de fils de bourgeois pour des raisons idéologiques, choisissent le camp révolutionnaire et celui du prolétariat. La lutte des classes est une réalité qui fait histoire mais au sein de la classe l'individu est aussi une réalité. Dans le prochain article, j'essaierai de traiter cet aspect du problème.
Jean Picard
Une classe moyenne en crise
Dans un précédent article (Sociologie de combat, sociologie pour le combat », Anarchosyndicalisme n°127) nous avons rappelé que la lutte des classes est une réalité qui fait l’histoire tout en soulignant qu’au sein de la classe, l’individu est aussi une réalité. Toujours dans la perspective de définir les classes sociales dans le contexte d’aujourd’hui, voici quelques réflexions sur la classe moyenne et ses possibles devenirs..
Raisonner avec deux classes sociales (salariat / capitaliste ou prolétaire / bourgeois), ignore la fraction confluente, la classe dite moyenne définie comme suit :.
Formation professionnelle : minimum Bac +2. Actuellement 41 % de la couche des 25-35 ans est diplômée de l’enseignent supérieur. Les données suivantes, concernant la progéniture des sociaux professionnels, dénotent la réalité de classe et sa reproduction par les écoles. Les cadres représentent 16,6% des actifs. Leurs enfants occupent 56,9 % des places dans les écoles normales supérieures, 51,1 % dans les classes préparatoires aux grandes écoles, 29,7 % dans les universités, 16,3 % dans les BTS. Les professions intermédiaires (qui représentent 24,3% des actifs) y envoient respectivement 66 %, 64 %, 41,9 %, 31,2 % de leurs enfants ; les employés et ouvriers (50,9% des actifs) 9,4%, 15,6%, 21% et 51%..
Revenu d’activité : deux à quatre fois le Smic, soit de 2 200 à 4 800 €. La majorité perçoit 2 700 € (rappel : la richesse commencerait à 5 500 €). A cela s’ajoutent des revenus financiers dits d’épargne, qui sont proportionnels et peuvent atteindre 25 % pour les hauts revenus. A noter que le patrimoine financier des ménages en France était de 1,4 fois le revenu disponible en 1990, puis de 2,9 en 2009 soit un total des dépôts de 3 700 milliards €. Je rappelle qu’il s’agit de moyennes : les écarts sont différents si on individualise ou si on raisonne en quotient..
Habitat : majoritairement urbain et périphérique, propriétaire du logement. En 2008 la densité des cadres (15 à 30 % de la population) est nette à Paris, Grenoble, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes, où habitent environ la moitié des cadres supérieurs. Les bassins d’emploi des cadres induisent logiquement ceux de la couche moyenne inférieure..
Santé : actuellement l’espérance de vie à 35 ans est : cadre 83 ans, employé 75 ans, ouvrier 73,5 ans. Le revenu, couplé à une bonne mutuelle-santé, permet de contourner les déremboursements de l’assurance maladie. Meilleure alimentation, spécialistes de santé, mode de vie, dépenses de santé expliquent leur plus longue « espérance de vie en bonne santé »..
Politique :sur-représentée dans les parlements, les conseils, les partis, les syndicats, les associations, les paritarismes... En 2007, l’élection présidentielle donnait, à partir du Bac, plus de 55 % à Ségolène Royal..
Idéologie :tolérante vis-à-vis des pratiques sexuelles, pour l’égalité Hommes-Femmes, anti-machiste et sexiste, écologie type environnementaliste (consomme bio) mais conservatrice en ce qui concerne la société de consommation, égalité des chances mais méritocratie, acceptation d’un degré d’inégalité mais correction des excès, pour un capitalisme plus juste, pour une régulation étatique du marché, pour le parlementarisme. Un côté individualiste, un autre social-démocrate..
Part de la population : cela est délicat à établir ; le salaire moyen net mensuel est le critère le plus admis, d’autres utilisent le revenu disponible ou médian. En utilisant le revenu moyen net mensuel (2 125 €) comparé au salaire, les cadres (16,6 % des actifs), constituent la couche supérieure de la classe moyenne. Les professions intermédiaires (24,3 % des actifs, salaire médian de 1 750 €) constitueraient plus ou moins 12,15 % de la couche inférieure de la classe moyenne. Cette dernière composerait 28,75 % de la population active. La population générale se décomposerait en une classe des très riches (environ 8 %), une classe moyenne (29 %), une classe des pauvres (63 %). Ces statistiques sont des moyennes, des agrégats. Si on individualise (durée d’activité, temps de travail,...) un cadre chômeur peut être pauvre, un ouvrier qualifié faisant des heures supplémentaires peut entrer dans la classe moyenne, etc. Au demeurant, l’individu est englobé, normé, par du collectif, celui-ci étant plus homogène et endogame de sa classe sociale. Néanmoins une classe est faite de couches : supérieure, inférieure, centrale (la plus massive). Les extrémités des classes constituent des sous couches légèrement atypiques, de plus des individus migrent de leur classe vers une autre..
LES CLASSES POUR SOI.
De manière révolutionnaire ou pas, malgré ses tendances et conflits, la bourgeoisie s’imposera et permettra la révolution industrielle. L’idéologie bourgeoise (bourgeoisisme) prétend que les hommes ne naissent pas égaux. Il appartient aux riches, aux intelligents, aux lettrés, aux dominants, brefs aux "meilleurs" de diriger le monde (un peu de Locke, Turgot, Constant, Roger- Collard, Guizot). Les hommes étant inégaux par nature, la société doit respecter ce fait. Rien ne doit entraver l’individu dans sa recherche du bonheur, qui se réalise dans le lucre, le pouvoir, les honneurs. Le système social sera donc hiérarchique, de classe, capitaliste. La bourgeoisie pour le reste est opportuniste, selon les intérêts de sa totalité ou des ses fractions. Elle promeut, mixe et dose alternativement le libre échange ou le protectionnisme, le marché ou le monopole, l’État ou le privé, la guerre ou la paix, la dictature ou le parlementarisme, le libéralisme ou la social-démocratie ; Keynes ou Friedman, le Fordisme ou la paupérisation, etc. Si la forme varie, le fond reste l’inégalité. Il suffit d’analyser le passé. Présentement, les tendances bourgeoises se querellent à propos de nombreux sujets : mondialisation, protectionnisme, fiscalité, austérité, revenu, étatisme, privatisation, gauche, droite, centre, etc. N’oublions pas que le corporatisme exprime les contradictions, les différences internes à un groupe, une classe. Les secteurs bourgeois qui tirent leurs privilèges de l’État sont étatistes, ceux qui les obtiennent de la mondialisation sont libre-échangistes, ceux qui profitent des marchés ou aides d’État sont mercantilistes, ceux qui vivent de la techno-structure sont pour « plus de valeur ajouté » au salaire que ne l’est l’actionnaire, etc. La bourgeoisie n’est pas limitée à la seule propriété des moyens de productions (capitalistes classiques) mais s’étend à l’ensemble de la possession et ou de la maîtrise du capital économique, politique, technique dont elle tire ses privilèges. Dans ce cas, aux 8 % de la population s’ajoutent plus ou moins la moitié du haut de la classe moyenne (29,2 %). La bourgeoisie représenterait 22,5 % de la population (ce que certains désignent comme les 20 % les plus riches). A noter que ces 20 % accaparent près de 40 % de la masse du revenu disponible, alors que les 20 % les plus pauvres se partagent 9 % de cette même masse..
L’extension du capitalisme accroît le salariat (statut juridique vendeur/acheteur de la force de travail), le prolétariat (statut économique de valeur d’usage, de valeur d’échange). Historiquement, nous avions une consonance salarié / exploité / prolétaire ; de nos jours la dissonance n’est pas marginale. Je préfère utiliser les termes « prolétaire » et « prolétariat » définis ainsi : « vend sa force de travail souvent sous la forme de salaire pour obtenir ses moyens de vivre. Du produit de son travail les capitalistes extraient un bénéfice. De sa situation sociale la bourgeoisie tire ses privilèges. Sur les entités économiques, politiques, administratives, il n’exerce ni propriété ni contrôle. Son existence est marquée par des rapports de production et sociaux basés sur l’exploitation et l’oppression »..
Le prolétariat, pour améliorer son existence, va s’opposer à la bourgeoisie. Le combat prendra des formes réformistes mais aussi révolutionnaires. Dans le prolétariat, une partie va numériquement, techniquement, idéologiquement, politiquement être hégémonique : la classe ouvrière. Son labeur s’exerce sur des matières premières, des produits semi-finis ou finis, d’usage personnel mais surtout marchand. Elle maîtrisait souvent toute la chaîne technique de la production, de la matière brute à ouvrée. Façonner implique une bonne qualification (écrire, lire, compter, utiliser le calcul, la géométrie, lire et faire des plans…). Elle use souvent de plusieurs métiers. Les plus politisés et combatifs des ouvriers constitueront le mouvement ouvrier. Il opposera au bourgeoisisme le socialisme et la lutte de classe. Il sera de tous les grands combats pour la justice, l’égalité. Pour cela, mais surtout pour ses engagements révolutionnaires, il sera persécuté. Honni ou adulé, une telle figure incarnera le prolétariat, dont elle éclipsera les autres composantes, d’où la confusion ouvrière ou prolétarienne comme classe..
La couche ouvrière régressera dans le prolétariat. L’essor des sciences et techniques converge avec le développement de la bourgeoisie et du capitalisme. La rationalisation de l’économie induit la concentration capitaliste : finance, moyens de productions, force de travail. La société devient industrielle, urbaine, marchande, consumériste, de nouveaux métiers apparaissent. L’organisation scientifique du travail (Taylorisme) réduit l’ouvrage à des manipulations simples (parcellisation), intensifie le machinisme, la chaîne de montage, massifie l’ouvrier spécialisé (non qualifié). Les usines essaiment ou se délocalisent, employant une main d’oeuvre moins qualifiée, sans traditions de lutte, corvéable, jetable et sous payée. Un ouvrier spécialisé (O.S.) se remplace en quelques minutes. Un ouvrier qualifié demande des années de formation, ajouté à un esprit combatif. On comprend que le Taylorisme veuille affaiblir le poids des ouvriers qualifiés. Le Fordisme intensifie la concentration capitaliste et usinière, rationalise la fabrication, optimise la productivité, produit en masse et standardise à prix compétitif. Ford réalisant un gros bénéfice déclara « Je paie bien mes salariés pour qu’ils achètent mes produits bon marché ». Cela produit une forte croissance économique, la société de consommation, l’urbanisation de la main d’oeuvre. Les embauches sont telles qu’une énorme quantité de prolétaires devient salariée, ce qui réduit le temps domestique. Pour compenser, les machines, et les services envahissent la domesticité qui devient marchande, capitalistique, etc. La société de consommation produit en Occident un changement sociétal. En France, ce fut la période des Trente Glorieuses (1945 à 1975) qui accrut la fonction publique, les services, la tertiarisation, l’emploi en général, les professions moyennement et hautement qualifiées, la classe moyenne, qui va détrôner le mouvement ouvrier socialiste et imposer son idéologie (voir ci-devant classe moyenne). La concurrence et la concentration capitaliste ruinent certains capitalistes ; vu leur mentalité bourgeoise très à droite on les embauche dans la chaîne de commandement capitaliste. De plus, une partie du prolétariat français de souche, grâce à l’ascenseur social, intègre la classe moyenne (cadres, contremaîtres, maîtrises, petits et moyens chefs), libérant des emplois moins qualifiés pour un néo-prolétariat (l’ouvrier-masse) venu de la domesticité, des campagnes, de l’immigration. Ces diverses conditions du prolétariat provoquent divisions et conflits entre les ouvriers-masse et les chefs (larbins des patrons), les petits chefs contre les grand chefs, les salariés du privé contre les fonctionnaires, etc. Le papy boom et la croissance économique, lissent, masquent ou ignorent ou n’exacerbent pas cette réalité..
La classe moyenne modifie le jeu vers un centrisme idéologique et politique, elle pousse le syndicalisme dans la collaboration de classe, l’intégration partenariale, le paritarisme, le corporatisme. Elle soutient les partis modérés et les alliances électorales favorables au Fordisme et au compromis historique de 1945 incarné par le CNR (Conseil national de la résistance) et par la social-démocratie (du PC au Gaullisme). La classe moyenne (qualifiée de classe petite ou moyenne bourgeoise) n’a pas d’imaginaire, elle puisse dans diverses pensées en les moyennisant tout comme pour son idéologie. Celle-ci triomphe en 1968, améliorant les conditions économique et culturelles du prolétariat. Si aucun révolutionnaire ne considère comme vertu la misère, si bien des aspects de la contre culture (anti-militarisme, anti-sexisme, libération sexuelle et de la femme, anti-hiérarchie, loisirs, anti-racisme, égalitarisme, etc.) viennent du fond socialiste (d’où l’esprit qualifié de libertaire de 68), cela n’était qu’une contestation, une amélioration permise par le cadre existant. La masse en lutte n’a fait ni voulu de révolution, seule une minorité visait cela. Bourgeoisie et capitalisme s’accommodent ou récupèrent (mieux cela les conforte). L’esprit 68 modifie la société, les salaires soutiennent la croissance. La mode des années soixante est tertiaire (commerce, service, banque, fonctionnaire, employé, blanc de col ou de blouse, la cravate-veston pour faire chef). Le bleu de travail, l’ouvrier sont méprisés. La violence symbolique ira les considérant comme incultes, en échec scolaire, débiles. Dans les écoles de la République les enseignants véhiculent le fameux « Apprends ou tu seras ouvrier ». On crée le mythe du lien compétences intellectuelles/catégories sociales professionnelles. Nous savons que beaucoup qui se croient supérieures sont intellectuellement réduites ; à fréquenter tous ces milieux, on sait que médiocrité ou excellence y sont d’égale proportion. Ce moyennisme fait le jeu de la bourgeoisie qui sait que le capitalisme entre dans une nouvelle phase (mondialisation, délocalisations, nouvelles productions)..
La crise de 1974-75 sert ces objectifs : destruction de secteurs industriels et de bastions ouvriers, insertion dans la division internationale du travail de la portion hautement qualifiée de la main d’oeuvre des pays développés (recherche & développement, service, éducation, santé, encadrement, ingénierie, etc.) Les usines à forte main d’oeuvre (usine de montage dites « tournevis ») sont transférées vers les pays en voie de développement. Résultat, en 2010, la production industrielle est de 14 à 17 % du PIB et les ouvriers sont réduits à 21,5 % des actifs. De 1975 à nos jours, ceux-ci déclencheront massivement contre les restructurations des luttes dures qui seront autant de défaites. Le corporatisme moyenniste sera peu solidaire, jugeant « archaïques » ces luttes ouvrières. En effet, le segment national de l’économie mondialisée favorise l’emploi, le revenu, l’image de soi de la classe moyenne. Le chômage affecte toutes les catégories socio-professionnelles, mais le reclassement et l’embauche fonctionnent pour la classe moyenne, pas pour les ouvriers. La croissance de la pauvreté garantit le revenu de la classe moyenne. Cela explique l’isolement des luttes de précaires, de chômeurs, et autres luttes anti-délocalisation et mondialisation, anti-capitaliste, etc. Le moyenniste suffrage entre social-démocratie et social libéralisme, critique ou soutien, mais accepte les choix des gouvernements de droite ou de gauche parce que cela l’arrange..
Cela explique le faible impact de l’anarchosyndicalisme qui dénonce l’illusion moyenniste, le corporatisme, la droite et la gauche, le capitalisme, la mondialisation, le libéralisme, l’étatisme, le libre échange, le protectionnisme, la finance, la paupérisation y compris de la classe moyenne, etc. La crise de 2008 valide nos critiques et vision systémiques : effets cumulés des crises (financières, productives et géopolitiques, en Occident notamment en France). Pour maintenir la compétitivité, le variable d’ajustement salariale se retourne contre la classe moyenne. De plus, son employabilité entre en concurrence avec celle des pays émergents dont la classe moyenne s’accroît. Résultat en France, elle subit paupérisation et chômage : trois ans après la formation, le taux de chômage entre 2007 et 2010 passe bien de 7 à 5 % pour les titulaires d’un doctorat, mais de 5 à 9 % pour ceux d’un master et de 7 à 11 % pour ceux d’une licence. Pour limiter la casse, elle prend les emplois de qualification inférieure. Nous savons que la catégorisation des classes est délicate voire subjective car « l’idéologique » est une manière d’analyser le champ social. En prenant comme paramètres, le revenu, la qualification, la place dans la hiérarchie sociale, les catégories socio-professionnelles, nous avons la classe haute (22,5 %), la classe moyenne (26,6 %), la classe petite (50,9 %) de la population. Notons que les statuts des actifs (au sens économique du terme) sont, sur le plan juridique, d’être salariés à 90 %, sur le plan économique prolétaires à 70 % environ, et que quelques 70 % également sont en limite ou en dessous du revenu moyen (2 483€). La posture politique des classes est globalement la suivante : haute et partie moyenne (soit 31 % du corps électoral) à droite ; partie moyenne et petite (soit 59 % du corps électoral) à gauche et abstention. Pondérons cela car la classe en soi ne détermine la classe pour soi. Des éléments idéologiques sont manifestes et transgressent les classes par les individualités ; certains bourgeois sont à gauche, des petit bourgeois sont à droite. Idem pour les plus pauvres. Ajoutons l’abstention et cela devient complexe. Mais les rapports : population / idéologie / classe / territoire /circonscription font que les résultats électoraux restent impactés par les classes. Quelles positions politiques découleront de la crise 2008 ? Soit la mondialisation redevient positive pour la classe moyenne et elle accepte ce fait. Soit sa situation continue de se dégrader, et une large fraction du moyennisme évoluera vers le protectionnisme, le recours à l’État, une social-démocratie moins libérale, etc. Si le mixte keynésien / fordiste (État, privé, marché, planification, protectionnisme, libre-échange, national, mondial, croissance, austérité, etc). n’empêche pas la dégradation, le corporatisme moyenniste peut attaquer les plus riches ou les exclus pour capter du revenu. Ce qui pose quelques problèmes à court terme. La situation économique détermine la masse du revenu qui baisse en cas de crise. La modification des ratios distributifs crée de la conflitualité envers les plus exclus ainsi qu’aux franges riches ou pauvres du moyennisme. De plus, cela ne règle rien au niveau macro-économique et évite la vraie question : la paupérisation est-elle intrinsèque à ce système ? Le moyennisme, seul, électoralement, ne peut s’imposer. Défendant malgré tout le capitalisme il s’allie si nécessaire avec la haute bourgeoisie, jusqu’à la dictature contre les pauvres. Soit une partie de la classe moyenne pense que l’avenir est dans une rupture avec le bourgeoisisme et le capitalisme et ses variantes de droite ou de gauche, elle opère ainsi une mutation idéologique (si celle-ci renoue avec les idéaux socialistes originaux - au sens révolutionnaire). Dans ce cas, la classe moyenne explose par divergences d’intérêts. La sociologie des classes sociales incluant son idéologie, la classe se recompose et une fraction politisée émerge. Reconstituant le mouvement prolétarien dans le sens de l’ancien mouvement ouvrier, elle modifie les perspectives dans le champ de la lutte des classes. N’oublions pas que la moitié des professions intermédiaires (24,5 % divisé par 2) constitue la classe moyenne, soit dans la population, environ 8 millions de personnes dont la condition culturelle et économique est très proche ou similaire à celle des bas revenus. Ce prolétariat représente environ 70 % de la population, soit 45 millions de personnes. Idéologiquement réunifiées elles concentreraient les savoirs techniques, professionnels, sociaux, et aurait la masse pour changer la société. Tout cela est contingent, personne ne peut dire ce que sera demain..
Nous, nous pensons que l’enjeu est « socialisme ou barbarie ». Il faut continuer à dire dire la vérité sur la droite et la gauche, sur ce qu’implique leur discours, sur l’illusion des variantes libérale ou social-démocrates du capitalisme et expliquer, construire le projet sociétal qui selon nous ne peut être qu’égalitaire, c’est-à-dire celui du communisme libertaire..
Caen le 22/02/2012, Jean Picard..
Vous trouverez dans les n°46 (Point de vue sur le capitalisme et ses contradictions – l’Education nationale dans tous ses états), 48 (Réflexions sur le mouvement de l’automne 2010 – et autres textes), 49 (Indignez-vous ? Révoltez-vous ! Réponse à Stéphane Hessel) des Cahiers de l’anarchosyndicalisme diverses références sur la problématique des classes moyennes..
QUELLE ORGANISATION REVOLUTIONNAIRE ?
Tout d’abord, précisons que, par organisation révolutionnaire, nous voulons parler de l’organisation spécifique[1]et pas de l’organisation révolutionnaire de la nouvelle société, ni même de l’organisation générale unitaire des masses en vue de la révolution. Ceci étant dit, une organisation révolutionnaire se doit, si elle veut accomplir les tâches qui sont les siennes[2], de tirer les leçons des expériences de luttes passées, de les analyser de manière critique et constructive. Le mouvement social a exploré plusieurs voies censées aboutir à la transformation de la société, à la disparition de l’exploitation capitaliste, au socialisme : le parlementarisme, le syndicalisme réformiste et le léninisme. Ces voies mènent à l’échec et cela est loin d’être nouveau. Le parlementarisme mène à l’électoralisme, c’est-à-dire la recherche d’un électorat le plus important possible, donc à l’abandon des principes révolutionnaires susceptibles d’effrayer les bons électeurs. C’est un leurre. Changer la société, c’est plus compliqué et plus dur que d’aller déposer un bulletin de vote dans une urne. Qui plus est, un coup d’Etat[3]peut venir stopper à tout moment un parlement qui serait un peu trop progressiste selon les classes dominantes. Le syndicalisme réformiste, cantonné à des revendications strictement matérielles[4]dans le cadre du système capitaliste, est incapable d’être un instrument d’émancipation réelle des exploités. Rapidement bureaucratisé, ce type d’organisation syndicale cherche - et arrive en général - à s’institutionnaliser, à devenir un interlocuteur reconnu par l’Etat et le patronat. Les notions de « crédibilité », de « réalisme », de « modernisme » sont alors mises en avant et servent à couvrir les pires saloperies. La collaboration de classe s’installe (et les travailleurs en font les frais) ! Car les syndicats ne cherchent pas à supprimer l’exploitation mais à négocier avec les capitalistes le degré de celle-ci. Les organisations léninistes se définissent comme avant-gardistes. Elles avancent l’idée fausse que la direction de la lutte révolutionnaire doit être entre les mains d’un parti révolutionnaire « d’élite », extrêmement centralisé et censé détenir la science infuse. Porté par les masses « incapables de s’émanciper par elles-mêmes », le parti d’avant-garde instaure « la dictature du prolétariat » et s’empare de l’Etat afin d’organiser le socialisme. Dans les faits, ce type de vision aboutit à la confiscation de la révolution par le parti d’avant-garde. Il s’érige ainsi en nouvelle classe exploiteuse au moyen du contrôle de l’appareil d’Etat et de l’économie nationalisée ; à la fusion entre le parti et l’Etat ; à la dictature du parti sur le prolétariat et à l’Etat policier. Parlementarisme et syndicalisme réformiste mènent tous les deux à la collaboration de classe et à l’abandon de la perspective révolutionnaire. Le résultat : l’intégration des partis politiques de gauche et des syndicats réformistes au système capitaliste et étatique. Il en fait des instruments de contrôle social, de déresponsabilisation des masses, d’encadrement et d’étouffement des luttes. Le parlementarisme, le syndicalisme réformiste et le léninisme ont tous les trois un point commun : leur mépris pour les masses. En effet, pour eux, celles-ci sont incapables de s’auto-émanciper, d’analyser les situations et de définir un projet de société clair. Les masses, telles un troupeau de moutons, ont besoin d’un berger. Elles sont invitées à voter pour les bons politiciens qui parleront et décideront pour elles, les gentils élus syndicaux qui les représenteront auprès des patrons. Les autres, qui se prennent pour « l’élite révolutionnaire », rêvent de contrôler et de diriger les luttes. Partout, on retrouve les pratiques de délégation de pouvoir, les phénomènes de bureaucratisation, l’idée que les masses ne sont bonnes qu’à suivre les slogans, qu’il leur est impossible de s’auto-organiser et de s’auto-diriger. Pourtant... A chaque fois que des situations révolutionnaires (commune de Paris en 1871, communes révolutionnaires espagnoles de 1873, soviets russes de 1905 et 1917, conseils ouvriers allemands en 1918-19 et italiens en 1920, révolution espagnole en 1936, etc.) ou des avancées sociales importantes (1936 et 1968 en France) ont vu le jour, elles furent le résultat de l’auto-organisation et de l’action directe des masses, non celui des consignes des partis et des syndicats, même si certains d’entre eux participèrent parfois activement au mouvement. Parfois, les masses, si décriées par certains, se trouvent bien plus avancées que les éternels guides censés les représenter. Parlementarisme, syndicalisme réformiste et léninisme mènent à tout, sauf à la révolution sociale. Ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme des moyens révolutionnaires. Ils constituent de fait des obstacles au développement des capacités révolutionnaires des masses, elles qu’ils cherchent en permanence à utiliser pour satisfaire leurs ambitions et leur soif de pouvoir ou préserver le statu quo social[5]. Ils n’ont jamais amené la suppression de l’exploitation, de l’oppression et de l’exclusion. Un siècle et demi après la création de la première Internationale[6], il faut encore, malheureusement, rappeler que « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». La révolution ne pourra être que le résultat de l’action déterminée, consciente et coordonnée des masses. C’est à elles, et à elles seules, qu’il revient d’essayer l’expérience et la concrétisation du projet communiste.
Partant de là, une organisation ne peut être révolutionnaire que si elle est clairement rupturiste ; c’est-à-dire qu’elle se doit de rejeter toute forme de parlementarisme[7] : les élections syndicales et politiques, la cogestion et la prétention à représenter les masses, etc. De plus, elle doit rejeter toute idée de séparation du « politique » et du « social », le « politique » étant censé revenir aux partis et le « social » aux syndicats, ce qui constitue, à notre avis, une vision étriquée des choses. Nous pensons qu’une telle séparation[8]ne peut qu’être un frein au développement des capacités de résistance des exploités. Admettre cette séparation artificielle revient à reconnaître que la possibilité de faire changer les choses réside dans l’action des partis politiques et des syndicats réformistes et non dans l’auto-organisation des masses. L’organisation révolutionnaire ne peut se concevoir que comme une organisation globale, fusionnant en son sein les luttes politiques et les luttes sociales, contre un système d’exploitation lui aussi global. Tous les problèmes étant liés, rien ne doit être étranger à notre forme très particulière de syndicalisme. Sur le plan de son fonctionnement, l’organisation révolutionnaire se doit également de rompre avec l’idée léniniste du centralisme. A l’opposé, elle doit promouvoir une forme d’organisation décentralisée et fédéraliste, étant entendu que le fédéralisme consiste à traiter collectivement de tout ce qui concerne l’organisation, ses orientations théoriques et pratiques et n’a rien à voir avec l’autonomie. Le fédéralisme vise à avancer ensemble, l’autonomie revient, elle, le plus souvent à pouvoir faire tout et n’importe quoi sans avoir de comptes à rendre aux autres structures de base. Elle aboutit le plus souvent au nombrilisme et à l’isolement. Les hommes et les femmes qui composent l’organisation doivent également veiller constamment à ce qu’aucun phénomène de bureaucratisation ne gagne celle-ci. Un fonctionnement fédéraliste clair doit garantir la position d'un pouvoir décisionnel dans les structures de base ; les instances administratives nommées ne doivent avoir qu’un rôle exécutif ; la fermeté en ce qui concerne les principes de fond (fédéralisme, rupturisme, globalisme, lutte des classes…), la cohérence entre la pensée et la pratique minimisent mais n’éliminent pas les risques de dérive bureaucratique et réformiste. Vaille que vaille, la CNT-AIT est aujourd’hui, en France, une des rares[9]organisations révolutionnaires à être à la fois anti-bureaucratique, rupturiste, globaliste et à avoir une pratique sociale, certes limitée mais réelle.
La CNT-AIT ne participe à aucune mascarade électorale destinée à légitimer le système. La CNT-AIT est décentralisée et fédéraliste. La CNT-AIT est la « propriété » des structures qui la composent. La CNT-AIT est à la fois politique et sociale. La CNT-AIT est en même temps anarchiste et syndicaliste[10].
Des luttes, oui ! Mais pas seulement dans les entreprises. Il faut résister dans les quartiers, les facultés et les lycées. Il faut chercher, à terme, à être présents dans l’ensemble du champ social. Des luttes, oui ! Mais des luttes autogérées, à caractère intercorporatiste, qui avancent des revendications unifiantes, refusent la division des travailleurs par le biais de la hiérarchie des salaires et des statuts, font avancer l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, les français et les immigrés, dépassent le cadre salarial et réformiste pour déboucher sur la critique politique du système, la solidarité active de toutes et tous, la convergence des masses vers un objectif : le communisme libertaire.
Rôle de l’organisation révolutionnaire
L’organisation révolutionnaire ne doit pas avoir pour vocation de contrôler les luttes, de diriger et d’encadrer les masses en mouvement. Elle n’a pas non plus à prétendre les représenter, parler et penser pour elles. En bref, elle n’a pas à tenter de se substituer à elles. A notre avis, ce qu’elle doit chercher, c’est leur autonomisation. Son rôle est d’essayer d’aider les masses à se prendre en charge par et pour elles-mêmes. L’important est qu’elles arrivent à auto-organiser et autogérer leurs luttes, qu’elles en aient collectivement la maîtrise. Si l’organisation révolutionnaire participe et aide au démarrage de ces luttes, mais elle n’a pas à en prendre la direction ; ces luttes sont la propriété de celles et ceux qui les vivent (qui luttent). L’organisation révolutionnaire a un rôle de conseil et d’animation. Elle est là pour aider les gens à lutter, les faire profiter de son expérience du combat social et, surtout, pour tenter, par la propagande et la discussion dans les AG, les manifestations et les occupations, de donner du sens à ces luttes. Les tâches de l’organisation révolutionnaire sont multiples : - expliquer la nature, le fonctionnement, la logique du système[11]et dénoncer ses innombrables méfaits ; - expliquer et promouvoir l’auto-organisation et l’autogestion des luttes, l’action directe et la démocratie directe comme étant les seules voies de l’émancipation ; - dénoncer, combattre les délires médiatiques et les magouilles politiciennes, le corporatisme, le nationalisme, le fascisme, le sexisme, etc. ; - donner aux luttes une perspective plus large, c'est-à-dire le dépassement idéologique et pratique du système socio-économique actuel ;
- proposer et affiner un projet de société qui puisse constituer une alternative viable au capitalisme et expliquer clairement ce qu’implique[12]la volonté de concrétiser ce projet ; - contribuer à développer la solidarité active et consciente des exploités là où se trouve l’oppression[13] ; combattre la répression patronale et/ou étatique ; - aider, au sein de la population laborieuse, au développement d’une contre-culture, d’une culture de lutte utile à sa défense quotidienne, rejetant les conceptions politiques et morales bourgeoises, c’est-à-dire aider peu à peu au développement d’une résistance, d’une dissidence, d’une désobéissance civile résolue et massive ; - construire les bases logistiques d’une contre-société[14] ; il s’agit de bâtir, en parallèle à la vieille société capitaliste, les bases de la société future... Ces tâches sont immenses. Si l’organisation prétendait les réaliser uniquement par elle-même, elle ne pourrait les mener à bien. En fait, elle se doit d’expliquer ces tâches et d’œuvrer au sein des masses à leur réalisation. Structure de lutte, lieu de culture, de formation militante et d’analyse sociale, réseau d’information et de solidarité, lieu convivial : l’organisation révolutionnaire est tout cela à la fois. Mais elle n’est pas une fin en soi. Il faut la concevoir essentiellement comme un outil social, qui a pour but fondamental le développement de l’autonomie populaire, qui seule pourra peut-être un jour amener un changement social en profondeur.
Autonomie populaire : une nécessité
On peut voir se profiler dans les nombreuses tâches énumérées un peu plus haut, ce que nous entendons par « autonomie populaire » et par quoi passe le développement de cette dernière. L’autonomie populaire est la capacité toujours plus affirmée et confirmée des masses à s’auto-organiser, à s’auto-défendre contre les iniquités produites par le capitalisme, à autogérer leurs luttes[15], à s’auto-représenter et à promouvoir un projet révolutionnaire. Elle seule peut permettre la libération de la formidable puissance sociale qui réside potentiellement dans les masses exploitées. C’est dans l’autonomie populaire que réside la clé d’une révolution sociale authentique, constructive et libératrice, et il n’y a que dans et par la lutte sociale, la résistance quotidienne et multiforme au capitalisme que l’autonomie populaire pourra se construire et qu’elle en arrivera un jour, souhaitons-le, à se nourrir de sa propre nécessité. Elle ne pourra être que le résultat d’un long processus social fait de phases d’avancée et de recul. Le plus important pour les masses est alors leur capacité à capitaliser et à transmettre les connaissances théoriques et pratiques acquises par l’expérience. Quoi qu’il en soit, c’est à son propre perfectionnement et renforcement, en tant qu’outil social, ainsi qu’à ce processus d’autonomisation des masses, que doit travailler l’organisation. Elle se doit de contribuer à l’apparition et au développement de ce processus et, également, de tenter de l’orienter le plus clairement possible dans la voie de la révolution sociale. Elle ne pourra pas faire cela par la magouille, la manipulation et la récupération. Elle devra convaincre et montrer l’exemple. Notons, au passage, que le travail de l’organisation visant à l’autonomisation des masses n’est pas du tout incompatible avec le fait qu’elle puisse atteindre elle-même, au bout d’un certain temps, un caractère massif. Si l’organisation révolutionnaire se révèle être un outil efficace et utile aux masses durant les luttes, une partie de celles-ci viendront en toute logique la renforcer. Les masses nourriront l’organisation en même temps qu’elles se nourriront d’elle. C’est à travers les comités de grève (ou de lutte[16]) auto-organisés et autogérés que prend forme l’autonomie populaire. Evidemment, ça n’exclut pas la participation des organisations syndicales à ces luttes, mais cela empêche la prise de contrôle des mouvements par ces dernières. Le pouvoir, c’est dans ces AG de lutte qu’il sera, là où se retrouvent pêle-mêle syndiqués et non-syndiqués[17], là où peut se réaliser la seule unité valable : l’unité dans la lutte directe contre l’Etat et le patronat. Etant bien entendu que, pour nous, « unité » ne signifie pas « uniformité » dans le discours et la pratique.
Des comités de lutte ou de grève aux conseils ouvriers :
Les comités de lutte ou de grève sont à la fois un lieu d’auto-éducation et un moyen de défense face à l’exploitation capitaliste. Mais en cas de situation révolutionnaire, les tâches de ces comités seront amenées à changer. D’instruments de lutte, ces comités en viendront - peut-être, si la situation le permet - à se muer en conseils ouvriers, c’est à dire en instruments de réorganisation sociale, amenés, en tant que tels, à se positionner et à agir concrètement par rapport aux problèmes de remise en route de l’économie sur des bases communistes, de l’organisation de la vie démocratique dans la cité et/ou de la défense armée de la révolution, etc. Cette transformation des comités de lutte en conseils ouvriers est somme toute logique. L’autonomie populaire se développe et se renforce dans les comités de lutte ou de grève puis, lorsque le rapport de force le permet, les masses tentent la révolution, mais elles la tentent justement à partir de leurs instruments de lutte : les comités de lutte ou de grève ! Confrontés à de nouvelles tâches[18], ils changent nécessairement de nature afin de s’adapter et de répondre aux urgences de la situation vécue.
Les conseils ouvriers peuvent être considérés comme l’expression organique de l’autonomie populaire, les instruments de l’émancipation des masses et de la transformation de la société. Les conseils ouvriers constituent fondamentalement l’auto-représentation vivante et évolutive des masses. L’organisation révolutionnaire se doit d’intervenir dans ces conseils de la même manière que dans les comités de lutte ou de grève. Elle n’a pas à assumer la direction de la lutte révolutionnaire. Elle se doit seulement d’être au sein de cette lutte (et des masses qui la mènent) une force de proposition, un aiguillon sur le plan théorique et, surtout, sur le plan pratique. Il s’agit pour nous d’indiquer la direction, pas de s’en emparer. Là encore, et plus que jamais en fait, il s’agira de convaincre... et de construire. La révolution sociale ne pouvant être que le fait des masses et non celui d’une organisation, cela implique l’abandon de l’idée que les syndicats peuvent constituer les fondements de la réorganisation sociale. Celle-ci ne pourra être que le résultat de l’activité révolutionnaire consciente, déterminée et autonome des masses : les conseils ouvriers[19]et de quartiers, de facultés. Evidement, on peut raisonnablement penser qu’une situation révolutionnaire semblable à celle de 1936 en Espagne, où la CNT était dans une multitude d’endroits en position hégémonique, a peu de chances de se reproduire. L’Etat tapera avant. Bien sûr, on ne peut pas l’affirmer avec une totale certitude. Quoi qu’il en soit, que la révolution sociale libertaire se fasse par le biais des conseils de travailleurs ou par le biais d’une organisation spécifique de masse,l’important est qu’elle se fasse.
Jean Picard 1994
[1]C’est-à-dire ayant ses théories et pratiques propres au sein du mouvement social.